Chapitre 4

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Les glas des clochers résonnèrent sinistrement dans tout Port-Réal, alors que les Sept Couronnes pleuraient leur Reine. Mais personne ne ressentait une plus profonde douleur de la perte d'Aemma Targaryen que sa fille cadette, de cela Aelys en était persuadée. 

Assise sur le rebord de sa fenêtre, préparée par les servantes qui l'avaient vêtue d'une robe de deuil, simple et sombre, la jeune princesse contemplait la ville, perdue dans sa peine. Les larmes s'étaient taries durant la nuit, mais le trou béant qu'elle ressentait au fond de son coeur ne se refermait pas. 

Elle aurait voulu être auprès de sa mère. Quand bien même cela aurait été une terrible épreuve que de la voir s'éteindre, elle aurait voulu l'accompagner, la soutenir dans ses derniers instants, mais cela lui avait été refusé. La colère, le regret et la tristesse se mélangeaient dans l'esprit de la cadette Targaryen, et elle se demandait si elle allait un jour arrêter de ressentir cette douleur qui la consumait en cet instant, cette impression que son coeur était meurtri, lentement déchiré en plusieurs morceaux. 

Il ne lui restait que le souvenir de sa mère adorée. Jamais plus elle ne pourrait aller la trouver pour se plaindre des obligations royales que lui imposaient son père ou de l'éducation de sa septa, jamais plus elle ne la ferait rire avec ses ambitions de devenir chevalier, jamais plus Aemma ne caressait sa chevelure argentée, ou ne déposerait de baiser sur son front, jamais plus elle ne la prendrait dans ses bras, en lui chantant une berceuse en ancien valyrien pour apaiser ses peines.

Les portes de ses appartements s'ouvrirent et une servante annonça Alicent. Cette dernière, également vêtue pour la cérémonie, s'approcha d'Aelys, qui garda son regard rivé sur la ville. La jeune Hightower prit la parole, d'une voix timide et inquiète: 

- Je suis vraiment désolée pour la Reine, toutes mes condoléances... 

La cadette Targaryen songea que la mort d'Aemma devait rappeler de mauvais souvenirs à Alicent: après tout, il y a peu, elle avait perdu sa propre mère. Aussi, elle tourna la tête vers elle, l'observant avec un regard humide et rougi par la tristesse, avant de lui demander d'une petite voix: 

- Est-ce que cela disparait ? La douleur, est-ce qu'elle s'en va un jour ? 

- Après quelques temps, elle devient moins importante, mais... elle ne disparait jamais vraiment, je pense. Répondit avec sincérité la jolie rousse. 

- J'ai tellement mal, Alicent... je voudrais tellement qu'elle soit avec nous ! 

Un sanglot agita la jeune princesse et la lady s'assied à ses côtés, la prenant dans ses bras pour la bercer avec douceur, tandis que la fillette laissait éclater sa peine en de douloureux sanglots saccadés et des larmes inondant ses joues.

- Aelys, on va devoir partir pour...

Rhaenyra entra à son tour dans la chambre, sa phrase restant bloquée dans sa gorge lorsqu'elle vit sa soeur et son amie. Sans hésitation, elle vint prendre dans ses bras sa cadette, la serrant avec force. Les trois filles restèrent quelques minutes enlacées, sans un mot qui ne viennent troubler leur étreinte. 

Mais l'heure était venue de dire adieu à la Reine et au Prince, et l'ainée Targaryen se dégagea, posant une main sur l'épaule d'Aelys pour l'inciter à se calmer et à la suivre. La fillette obtempéra et se leva, plantant son regard dans celui de Rhaenyra, les deux sœurs partageant un instant leur profond chagrin. Elles avaient tant perdu, en à peine une journée... 

En descendant du carrosse, Aelys leva les yeux vers la colline surplombant le lieu de la cérémonie quand un grondement bestial et familier attira son attention: encadrés par des Gardiens, Syrax et Fenrax observaient les alentours, laissant échapper une sombre mélodie de cris stridents en tournant la tête vers les deux bûchers qui avaient été dressés. 

La princesse dût rassembler tout son courage pour se tourner vers eux: elle retint à grande peine ses larmes en voyant deux corps embaumés d'un papier brun, l'un d'entre eux ne faisant pas plus de 50 cm. Baelon, son petit frère, qui avait à peine put connaitre la joie de l'existence. Relevant la tête vers l'autre corps, des tremblements agitèrent le corps de la fillette, alors qu'elle reconnaissait sa mère.

Une main vint se poser sur son épaule, et elle tourna la tête vers Daemon, qui s'accroupit à sa hauteur pour prononcer des mots qu'elle seule put entendre, dans la langue de leurs ancêtres: 

- Je suis désolé, petit dragon. Mais tu dois rester forte pour elle.

Le sang des Dragons (HOTD)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant