Chapitre 5

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Les coups d'épée frappant le mannequin de bois résonnèrent dans la cour du Donjon Rouge alors que le soleil commençait à peine à s'élever dans le ciel et que seul des servantes et valets encore endormis s'affairaient dans le château.

La nuit d'Aelys avait être brève, agitée: trop de questions se mélangeaient dans sa tête, et après avoir passé une heure auprès de Rhaenyra, les deux sœurs ayant tenté de faire leur deuil en se rappelant des nombreux souvenirs partagés avec leur mère, la cadette Targaryen était retournée dans sa chambre et avait durant un long moment réfléchi à la scène à laquelle elle avait assisté: pourquoi Alicent s'était-elle rendu dans la chambre de son père, en pleine nuit ?

Le comportement du Roi intriguait également la jeune princesse: elle avait la sensation qu'elle ne lui avait pas tout dit sur les circonstances du décès de sa mère, comme s'il voulait éviter le sujet, mais peut-être était-ce parce qu'il était trop peiné pour en parler, peut-être était-ce encore trop douloureux... Aelys n'avait pas parlé à Rhaenyra de tout cela, puisqu'elle n'était sûre de rien, mais ses doutes ne la quittaient pas et c'est donc préoccupée que la petite dragonnière avait quitté sa chambre avant le lever du jour pour se vider la tête en s'exerçant.

La lame fendait l'air avec précision, gravant dans le bois une dizaine d'entailles placées avec minutie dans la poitrine, la nuque et la tête du mannequin. L'exercice durait depuis un moment désormais quand Aelys commença à sentir la fatigue la gagner, la forçant à s'arrêter pour reprendre son souffle, alors qu'elle dégageait des mèches d'argent collées à son front luisant de sueur. 

Le bruit régulier du bois frappant le sol attira son attention et elle se retourna vivement, aux aguets: de l'autre côté de la cour se tenait un jeune homme qui l'observait, appuyé sur une canne en bois. Brun, petit et maigre, il devait être un peu plus âgé qu'Alicent. Aelys baissa les yeux et comprit pourquoi il avait besoin d'aide pour marcher: son pied, fermement retenu par d'épaisses bandes, pendait mollement, comme dépourvu de toute ossature. 

- Les Dieux sont parfois bien malicieux... malgré mon infirmité, ils m'ont donné un goût prononcé pour les balades matinales. 

Se rendant compte de son impolitesse, la jeune Targaryen se redressa, bafouillant des excuses: 

- Pardonnez-moi, je ne voulais pas me montrer incorrecte... est-ce douloureux ? 

- L'on ne peut sentir la douleur dans un membre qui ne vit plus... il laissa son regard glisser vers le mannequin. Que vous a donc fait ce malheureux pour finir dans un tel état ? 

Aelys posa à son tour son regard sur la figurine de bois en répondant dans un soupir. 

- J'avais besoin de réfléchir et c'est lui qui en a payé le prix... 

- Après le drame que vous venez de vivre, cela se comprend. Pauvre Reine Aemma... elle nous avait fait un très bon accueil, lors de notre arrivée à Port-Réal, et j'apprécie beaucoup les fleurs du Val qu'elle a fait venir ici, cela me change des plaines austères autour d'Harrendal... 

 La princesse réalisa alors qu'elle avait sans doute un membre de la maison Strong en face d'elle: Lord Lyonel Strong, maitre des lois, était arrivé il y a quelques années à la Cour avec son épouse et ses deux fils, Harwin, l'ainé surnommé "Le Briseur d'Os" à cause de sa carrure imposante, et Larys "Le Pied-Bot", le cadet. Ce dernier était sans aucun doute son interlocuteur, qui reprit d'un ton navré: 

- Oui, quelle terrible perte, sans oublier le prince Baelon... Sa Majesté a pourtant tout fait pour sauver ce fils tant attendu. 

Cette remarque surprit Aelys, qui fronça les sourcils en demandant, intriguée: 

Le sang des Dragons (HOTD)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant