Chapitre 7

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Le départ

Le lendemain matin, j'enfile l'uniforme des Sélectionnés : pantalon noir, chemise blanche et veste de costume noire. Sur la boutonnière, la fleur qui représente ma province.

J'opte aussi pour une paire de baskets élimées, je veux montrer dès le début de la compétition que j'oublie pas d'où je viens et que j'ai pas l'étoffe d'une « princesse ».

la journée commence mal. Hwasa, exténuée par sa seconde grossesse, et son mari Taemin, sont venus nous voir avec leur fille. Woojin aussi a fait le déplacement, même si je sais qu'il se fout de mon sort comme de sa première sculpture. Depuis mes dix ans, dès lors que mon second genre a été officialisé, Woojin s'est éloigné de moi comme si j'avais une maladie contagieuse.

Il a quasiment coupé les ponts avec nous et le voilà qui se pavane en faisant de grands signes de la main aux photographes depuis notre sortie de la maison jusqu'à la limousine qui nous attend au bout de la rue. Une limousine avec chauffeur, s'il vous plaît ! Apparemment pour des raisons de sécurité il sera interdit a ma famille d'emprunter d'autres moyens de transport. Papa secoue la tête dépité et le trajet se déroule dans un silence de mort.

Ji-Hyun me jette quelques coups d'œil et détourne vite le regard avant de croiser le mien. Il m'a pas adressé un sourire depuis presque trois jours. J'ai l'impression qu'il m'en veut de quitter la maison. Si seulement je pouvais rester... Mon seul réconfort vient de Ha-Yoon qui arrive, avec beaucoup d'efforts, à me remonter le moral.

C'est avec sa main dans la mienne que je pose le pied sur une place noire de monde. À croire que la province de Busan toute entière a pris un jour de congé pour venir fêter mon départ ou pour me huer au choix...

Qu'ils aillent tous se faire voir.

Une fois planté sur l'estrade, je vois en contrebas une véritable marée humaine. Des centaines d'yeux sont braqués sur moi et depuis la hauteur de cette estrade cérémoniale, le faussé entre les castes est frappant.

Je reconnais Hiya kim, une Trois, qui me fusille des yeux comme si je lui avais volé ce qui lui revenait de droit. Elle veut ma place ? Qu'elle la prenne !

Il y a aussi Nari Wong, une de nos voisines, une Sept qui m'envoie de grands signes de main et des encouragements...

Les plus modestes m'acclament, moi le mec normal. Un simple anonyme de basse extraction qui a gravi les échelons dans un putain de tirage au sort truqué.

Je comprends alors ce que je signifie pour eux, ce que je représente dans leur vie.. Je suis leur reflet. Celui qui les représentera au yeux du royaume tout entier.

J'essaie alors de m'arrêter sur chacun des visages qui me fixent tout en m'efforçant de garder la tête froide. Je sens peu à peu gonfler en moi une détermination brûlante. C'est con, mais je veux être à la hauteur. À la hauteur de leurs espoirs et de leurs attentes. Quitte à être un Sélectionné, je veux représenter les castes inférieures aussi bien que je le pourrais !

Le maire s'exclame en gesticulant :

«La province de Busan va offrir un tonnerre d'applaudissements au fils de Mi-Jeong et Ha-Joon Park ! Applaudissez bien fort le jeune Jimin !» Un tonnerre de vivats et d'acclamations suit sa déclaration.

Certains membres du public lancent même des fleurs sur l'estrade. Je les remercie d'un sourire ou d'un signe de la main puis je balaie la foule du regard.

Parce que je veux voir son visage une dernière fois. Je ne sais pas s'il va venir. Je me répète inlassablement qu'un mec ne peut pas tourner le dos du jour au lendemain à la personne qu'il a aimé pendant des années.

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