36. JANN

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En quelques secondes, je suis de retour, yeux grand ouverts et allongé sur la table de notre labo clandestin. Quelques mètres plus loin, Aurore se redresse sur la chaise de bureau.

— Alors ? Est-ce que tu as les infos ?

— J'ai des infos, mais je ne suis pas certain que ce soit celles que tu recherches. Je n'ai rien sur la souche de la bactérie à l'origine de la pandémie... Pas de formule ou quoi que ce soit. Juste un nom bizarre.

— C'est quoi ?

Candidatus Pseudomonas. Apparemment, il s'agit d'une bactérie qui évolue dans l'eau. Elle n'aurait pas été détectée par le système de filtration et avec la grande sécheresse...

— Qui dit source unique dit infection générale...

Je songe à la grande centrale de distribution d'eau qui sert à alimenter la population. Il n'y a pas pire endroit pour un début de contamination.

— C'est ça. Surtout que les premiers symptômes n'apparaissent pas avant plusieurs jours, la contamination s'est donc généralisée très rapidement.

Aurore secoue la tête, sonnée.

— En combien de temps est-ce que... est-ce qu'ils sont tous...

— Le premier décès est recensé au seize juin deux-mille vingt-huit. Après ça, la foudroyance a été telle qu'en moins de dix jours, c'était terminé.

Elle reste silencieuse un moment, fixant le mur comme si ça pouvait l'aider à traiter l'information, puis demande:

— Le nom de la bactérie... Candidatus Pseudomonas... C'est tout ce que tu as ? Il n'y avait pas un troisième mot ? La nomenclature bactérienne stipule que même un candidatus requiert...

— Non, rien d'autre. Sauf un surnom. Ils l'appellent aussi la Mort Rouge. C'est lié à la violence des symptômes, je crois.

— Très joyeux, soupire-t-elle. Candidatus, ça signifie qu'ils n'ont même pas toutes les informations dessus. Pourtant ils ont forcément dû l'étudier, rien que pour s'assurer qu'elle ne représentait pas une menace pour eux-même... ça n'a pas de sens.

— Il y avait très peu de résultats sur le sujet, en deux-mille cinquante.

— Je savais que ce n'était pas une bonne idée d'aller aussi loin dans le temps.

Je soupire. On a déjà eu cette conversation.

— Je ne crois pas que ça aurait changé grand-chose. Plus on a de recul, plus on a de chance d'avoir des résultats. Ceux qui sont inconnus en deux-mille cinquante ont peu de chance d'être connus avant ça. Et puis... Il s'est passé quelque chose, quand j'étais là-bas.

Elle s'arrache enfin à la contemplation du mur pour me regarder.

— C'est-à-dire ?

— Davin, qui m'avait mis au courant pour la fuite du voyage temporel et qui m'avait dit d'aller chercher Rory, était encore là. En fait, je me suis trouvé dans exactement le même futur que celui que j'avais aperçu la dernière fois.

— Ça c'est normal, non ? Je veux dire, on n'a pas encore évité la pandémie...

— Peut-être, mais on est censé avoir évité la découverte du voyage dans le temps.

Aurore se fige.

— Ce n'est pas le cas ? Il t'en a reparlé ?

J'hésite. Quand on y pense, il est impossible d'être certain de quoi que ce soit. Mais je ne peux m'empêcher d'avoir la conviction qu'il se passe quelque chose. Il y a trop de petits détails qui m'apparaissent comme des signaux, et je ne peux prendre le risque de les ignorer, même si je ne sais pas encore comment tout ça est possible.

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