Chapitre 8 : Les dragues foireuses

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La sensation de vide se creusait dans mon corps.

La simple réflexion de n'être qu'une ombre suivant une silhouette, sans savoir que son identité vaut autant que quiconque puisse en prétendre le contraire, m'immobilisai.

Je me doutais qu'Amaël n'avait pas voulu dire ça.

Peut-être même que c'était sincère ?

Cependant, je me sentais comme une moins que rien.

Encore et toujours.

Tandis que je guettai les bottes fourrées de ma mère pour éviter de n'avoir à subir la fausse désolante d'Amaël, une chaleur imprévue réchauffa mon épaule droite.


— Je suis désolé. Vraiment, enchaîna-t-il une seconde fois, dû à son oubli.


Mon regard croisant le sien, je perçus ses iris d'un vert aussi clair qu'elles paraissaient bleues, me scruter et ses paupières se plisser à la suite d'un sourire se vouant vrai.

L'était-il ?

J'étais toujours surprise par son contact, mais d'autant plus quand il m'entraîna en empoignant par le bras, juste en face de l'entrée où était encastré derrière un mur divisé, une cuisine peu occupée.

La salle était elle aussi désertique, hormis le fait qu'une vieille dame avec un châle rosé drapé sur son dos était attablée en déballant un sac plastique, son petit chien sur les genoux.

Des tables blanches en plastique s'alignaient consécutivement en deux colonnes distinctes, sans décors, le tout semblable à deux longues lignes infinies, vierges et non salies par des déchets.

Nous nous avançâmes vers un des deux jeunes, adossés au mur coupé de la cuisine qui parlait avec un autre avec une casquette, assis à pianoter sur son téléphone.


— Je rêve ! dit celui qui se dépoussiéra le jean à cause du résidu de peinture poudreuse. Amaël Troblain ! Ça pour une surprise...


Je levai le menton vers mon cousin, toujours agrippé à moi. Une ridule entre ses sourcils accentuait ses yeux froncés et sa bouche s'étira en une grimace laissant croire qu'il ne se souvenait pas de l'identité de ce garçon.

Puis, il confirma ma supposition, l'index tendu contre son torse, comme s'il essayait de se rappeler, en vain.


— Lucas...

— Lucas ! Oui, bien sûr ! s'exclama Amaël en lui tapant la main comme si c'était une vieille connaissance.


Le jeune gratta l'arrière de sa tête en se léchant la lèvre inférieure qu'il suçota et afficha un sourire gêné.


— Peu importe... soupira-t-il en s'avançant les mains dans les poches. Je me doutais que tu ne savais pas qui j'étais au lycée, alors maintenant...


Il craqua son cou, baissa un regard déçu vers son collègue qui lui donna des coups de coude timidement sur la cuisse.

Tandis que Lucas s'apprêta à prendre la parole, une femme d'une trentaine d'années surgie de la cuisine, un téléphone coincé entre son oreille et son épaule, un bloc-notes en main.

Elle ne daigna pas nous voir, et fit une claque derrière la tête du jeune à la casquette.


— Au travail ! gronda-t-elle, les yeux ronds avant de déguerpir vers une portière.

Un 25 décembre et des poussièresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant