🌹𝙬𝙝𝙤 𝙞𝙨 𝙞𝙩

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Blanc. Enfin, non, pas vraiment blanc. Il y a de minuscules tâches grisâtres, je sais pas ce que c'est. De grandes, euh... lattes. De huit à dix centimètres, je dirais. Il y en a vingt-quatre, des lattes comme ça. Je n'aime pas trop leur contact.

Bon. Ce plafond est certes très intéressant, mais ce n'est pas en le contemplant et en comptant ses lattes que ma journée va avancer.

Je ne sais même pas quelle heure il est. Je sais juste que je suis réveillée et que j'ai allumé la lumière. Mon réveil n'a pas encore sonné.

Je me lève est descend de mon lit en essayant de ne pas me vautrer en plein milieu de ma chambre. J'ouvre mon téléphone : j'ai une demie-heure devant moi, et pas la force de me rendormir.

Je m'assieds par terre. J'ai fait mes devoirs ? Non, même pas. Bon, on a qu'à les faire, ça m'occupera.

Ils sont vite finis. Qu'est ce que je peux faire ? Dev doit encore dormir, à l'heure qu'il est.

Je décide de sortir de ma chambre, de me doucher et de manger puis de quitter la maison. Il est encore tôt : le lycée est encore fermé quand j'y arrive. Alors je décide d'aller a la rencontre de Dev.

Je lui envoie un message pour lui demander son adresse, il me répond assez rapidement. Je me dirige vers chez lui.

Il sort assez rapidement de chez lui, en tenant son sac à bout de bras.

- Salut, me dit-il avec un sourire. Comment ça va ?

- Bien et toi ? je demande.

- Bien aussi.

Nous commençons à marcher, silencieux au possible. Un frisson parcourt mon échine quand son épaule s'approche trop de la mienne.

- Tu es sûr que ça va ? je l'interroge.

Il est perdu dans ses pensées, comme je peux le voir.

- Ça va, m'assure-t-il, simplement...

- Simplement quoi ? je coupe.

- J'ai parlé à mes parents de toi et du fait que... euh... bah... voilà, quoi, et ils étaient un peu trop enthousiastes, dit-il.

- C'est-à-dire ? je m'étonne.

- Mon père m'a dit "oooh tu l'appelles on se fait une bouffe !", je cite, soupire Dev.

- Oui, et ? j'insiste.

- Si je t'invite chez moi, ça va très mal se passer, fait Dev.

- Pourquoi ?

- Bah... mon père est un peu... très bizarre. Il rentre du travail avec sa cravate à moitié en train d'se barrer, il chante de la variété dans des langues dont j'ai jamais entendu parler. J'te jure quand t'entends Oops I Did It Again de Britney Spears chanté pour la première fois en hmong ou en igbo, ça fait un sacré choc.

- Bah, il a l'air drôle, ton père.

- Sans compter, continue Dev en m'ignorant totalement, que ma mère trouve toujours du cannabis éparpillé un peu partout dans la maison, et qu'elle est obligée d'aller le cacher quelque part. Du coup quand mon père arrive on l'entend hurler des trucs du genre "p'tain il est où mon shit là que j'me fume un ou deux pétards ?!".

- Bon... OK... quoi d'autre ?

- Imagine le truc : après le repas il va être là en mode "ouaaais si vous voulez vous pouvez rouler une cigarette... tant que vous roulez pas autre chose..." puis il va rigoler comme in vieux goret là...

- Mais rouler quoi ?

Dev me lance un drôle de regard.

- Nan nan c'est bon j'ai compris, je m'empresse de dire.

- Bref, soupire à nouveau Dev. Vaut mieux pas que tu passes à la maison pour le moment.

- D'acc.

- Toi... tu en as parlé à tes parents ? demande-t-il.

- Non, mais à mon avis ils se foutent royalement de ma vie amoureuse, je réponds nonchalamment.

- OK, dit simplement Dev.

Nous poursuivons notre chemin sans aucun mot et arrivons au lycée. Ça n'a pas encore sonné. En revanche, Edward et Chris sont contre le mur, à nous regarder avec leurs yeux moqueurs, un sourire goguenard peint sur le visage, à moitié en train de se marrer.

- Eh, t'as vu, Chris, on dirait bien qu'il s'est passé un truc au niveau de ces deux-là...

- J'avoue, Edward...

Les entendre parler dans notre dos comme ça m'agace au plus haut point.

- Qu'est ce que vous dîtes ? je lance en m'avançant à grands pas.

- Ça y est, vous sortez ensemble ? demande Edward.

Esh, il est pas gêné, l'mec, je songe.

- Ça te regarde ? je l'interroge d'un ton cinglant.

- Bien sûr que oui, Ashton chérie, se moque-t-il.

Je soupire, lève les yeux et passe le portail en bousculant mon cher ami. Je ne sais pas où est passé Dev, ça me déçois un peu mais tant pis.

En cours, je pourrais tout aussi bien ne pas être là. Je suis là, vautrée en avant sur ma chaise, les bras croisés sur mon bureau, et mon manteau posé dessus. Mon regard est perdu dans le vide, les paroles des profs me passent au-dessus de la tête. Je ne fais rien, je ne réfléchis à rien, je ne pense à rien. Ma vie n'est qu'un long rien en puissance.

Je ne fais même pas attention à où je m'assieds. Je ne sais même pas dans quel cours je suis. Pendant l'interclasse, je marche comme une non-morte rejoignant son cercueil. Les chemins vers mes prochaines salles de cours sont gravés dans mes pieds, je n'ai pas à me poser de question.

Finalement, la pause midi arrive. Je m'arrange pour aller me cacher dans un coin du self, et je mange le contenu non-identifié de mon assiette. Puis je sors du self. Ni Edward, ni Chris, ni Dev ne m'ont repérée. Héhéhé. J'vais pouvoir devenir ninja.

En attendant que la pause d'entre midi et deux se termine, je marche sans but. J'ai l'impression que des voix m'appellent, mais je n'en suis pas sûre. Je ne sais pas.

Les cours reprennent. J'ai retrouvé ma capacité à voir et penser comme une être humaine. Ce qui ne m'empêche pas de ne rien écouter au cours. Dev hante mes pensées. Je n'arrive pas à le sortir de ma tête. Can't get you outta my head, comme dirait Kylie Minogue. D'ailleurs, je devrais faire attention, je risque de l'avoir dans ma tête toute la journée. Ça fait beaucoup de "tête".

Les heures passent et, finalement, je peux enfin sortir de cette maison de fous.

La main de Dev se pose sur mon épaule.

- Ça va ? demande-t-il.

- Ça va, je lui assure.

Je lui adresse un grand sourire. C'est vrai que je me sens mieux quand il est là.

- Tu veux venir chez moi ? je propose.

Il se penche vers moi et m'embrasse.

- C'est OK, me répond-il.