Look at the Sky

Eliott

Ma sœur m'accueille les bras grands ouverts, sa chambre miteuse meublée seulement par son lit d'hôpital et une petite table de nuit croulant sous les livres, me saute aux yeux. Je la serre doucement, elle me semble encore plus fine qu'hier. J'ai peur de la casser si je la tiens trop fort.

Riley m'offre un sourire fatigué, elle est la seule qui me sourit toujours, qu'importe les conneries que j'ai fait ou que j'ai pu dire.

⁃ Enfin, tu es là.

⁃ Je prends toujours du temps pour te voir, tu le sais bien.

⁃ Évidemment. Comment tu vas ?

Ses sourcils sont froncés d'inquiétude, elle a deux ans de moins que moi mais elle a toujours endossé le rôle de la grande sœur responsable. Elle sait parfaitement que c'est pour elle que je ne me barre pas d'ici et m'a déjà demandé plusieurs fois de partir mais il est hors de question que je la laisse aux mains de ma mère et de mon père.

⁃ Moi, ça va. Mais toi plutôt ? Où est maman ?

Elle balaye ma question d'un signe de main, comme si ça n'avait pas d'importance. Je sais qu'elle couvre ma mère, encore partie rejoindre je ne sais quel homme pour la nuit au lieu de s'occuper de Riley. Elle a laissé tomber son travail d'infirmière pour s'occuper de ma sœur à plein temps. On avait pas les moyens d'engager quelqu'un à domicile pour s'occuper d'elle. Mon père passant ses journées au fond du canapé avec la télévision et quelques bouteilles, c'est moi qui doit ramener l'argent ici.

Je m'installe confortablement sur le lit, mon livre de français à la main.

⁃ Oh c'est Princesse Bride ? Je voulais justement le lire.

⁃ Ouais, ça va t'abrutir d'histoires d'amour sans queue ni tête mais ça t'occupera.

Elle lève les yeux au ciel, en esquissant un sourire indulgent. Elle sait parfaitement que j'adore regarder ces ramassis de conneries avec elle à la télévision quand mon père n'est pas là. On s'assoit avec un coca, des gâteaux un peu rassis et on passe l'après-midi devant ses comédies romantiques préférées.

⁃ Tu voudrais pas venir te promener avec moi ?

Je la regarde avec des yeux tristes observant le bonnet qui lui couvre la tête ainsi que la perfusion sortant de son nez. Elle est bien trop faible pour marcher et elle en est consciente. Elle veut juste me montrer qu'elle s'ennuie, me faire comprendre qu'elle étouffe dans cette petite chambre dont la fenêtre ne s'ouvre même plus. Trop usée et rouillée pour que le battant daigne bouger.

⁃ Je...

⁃ Non, laisse tomber, c'était pas cool. Je vais me reposer un peu, tu reviens me voir après ? 

⁃ Ouais.

Je dépose un baiser sur son front et sors de la pièce. Je pars m'enfermer dans ma chambre et m'allonge sur mon lit branlant. J'observe ma déco, un peu passée, datant de l'époque où j'avais encore du temps à tuer au skate. Les vieilles affiches de skateurs célèbres ou de trix que je rêvais de réussir me serre le cœur. C'est dur de laisser tomber ses rêves. Je pense à ma sœur, qui a dû oublier son rêve de devenir une grande artiste et je prends ma décision.

Je vais chercher l'argent que je nous mets de côté en cas de coup dur. Coincée sous une latte de parquet, la boîte en fer n'est pas bien lourde dans ma main. Je l'ouvre, les mains tremblantes, et compte les quelques billets. Je me saisi de mon téléphone et recherche les meilleurs studios d'art sur Brooklyn.

•••

Je traîne mon sac dans les couloirs du lycée. Quelle idée merdique d'être ami avec une fille pareil. C'est la seule phrase qui me vient à l'esprit depuis ce matin, quand Amber a décidé que je devais plus m'impliquer dans les potins du lycée.