10. Redis-le Lune

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Lune


Plongée à moitié dans l'obscurité grâce à la bougie sur mon bureau, j'étais assez éclairée pour me concentrer sur les mots que j'écrivais. Une page,...dix pages,...trente pages.

Tête baissée sur mon tas de feuilles, j'étais absorbée par l'écriture de mon roman. Ma main droite commençait à s'engourdir, je ne la sentais presque plus et je perdais mon stylo.

Je n'avais plus la notion du temps quand j'étais dans mon monde car je vivais dans l'éternité dans celui-ci. Les secondes, les minutes et les heures n'existaient pas.

J'échappais à la réalité pour venir me réconforter dans un autre univers de ma pure imagination. Je me sentais enfin libre quand j'y étais, j'avais le droit d'inventer tout ce que je voulais, tout ce qui me plaisais.

C'était mon monde.

Personne ne pouvait me juger, personne ne pouvait me dicter quoi faire, personne ne me causait de problème, personne ne m'ennuyait. J'étais dans mon paradis, j'écrivais pendant des heures et des heures j'aimais cela, j'adorais même !

Et je voulais vivre de ma passion, je ne me voyais pas faire autre chose dans ma vie. Si je m'imaginais avocate ou médecin, je serais malheureuse à vie. Je ne pouvais pas m'imaginer autre chose qu'écrivaine c'était plus fort que moi.

Je vivais pour l'écriture. Mes histoires vivaient grâce à moi.

Je ne pouvais pas abandonner mon rêve aussi simplement, je ne pouvais pas l'abandonner alors que je n'avais pas essayé et continué jusqu'à la fin. J'aurais été lâche si je l'avais fait, je préférais continuer sans baisser les bras.

Mon père n'apprécierait absolument pas mes propos mais il n'avait pas besoin de savoir que j'avais repris l'écriture. Je n'osais imaginer qu'est-ce qu'il ferait...

Il m'avait déjà puni plusieurs fois quand il me surprenait avec un crayon et une feuille à la main en train d'écrire.

Je ressentais encore chaque gifle de chaque joue de mon visage, psychologiquement quand je pensais à cela, ma joue me picotait comme si on m'avait éraflé.

Est-ce que tous les pères étaient comme lui ?

Est-ce qu'il agissait comme un bon père qui voulait préserver sa fille ?

Est-ce qu'il était conscient du mal qu'il m'infligeait ?

Est-ce qu'il se sentait coupable quelques fois ?

Pourtant à chaque fois qu'il avait fini de me frapper, il me regardait droit dans les yeux sans une once de regret et il repartait comme s'il ne s'était rien passé. Je voulais tellement le rendre fière de moi, le rendre heureux mais c'était à quel prix ?

Le prix de mon rêve ? Le prix de mon bonheur et de ma liberté ?

Égoïste que j'étais, je me demandais si cela en valait la peine de sacrifier tout ça pour quelqu'un qui me donnait aucun signe d'amour.

Mais peut-être que grâce à ça il me donnerait de l'attention et de l'amour dont un enfant a besoin, si je sacrifiais mon bonheur. Je le rendrais heureux et il arrêterait de fissurer mon âme.

Je sortais de mes pensées intrusives en secouant la tête, je fermais les yeux et pris une longue inspiration. J'avais mis une barrière entre ces pensées et moi, pour mon bien être, mais de temps en temps elles avaient la force de la détruire et de m'engloutir.

J'ouvrais les yeux pour jeter un coup d'œil à l'horloge, elle m'indiquait neuf heures et trente minutes du matin. On était lundi, le week-end était passé à une vive allure et je n'avais presque pas quitté ma chambre.

Bloodworth and secretsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant