❝ chapitre trois ❞

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   ANYA SE RETROUVA physiquement incapable de rester pour la fin du banquet. Elle ne mangea rien, quand bien même son ventre était vide. Au bout de quelques minutes, elle sentit ses jambes trembler et ses poumons se comprimer. Lorsqu'elle prit conscience qu'elle était au bord du malaise, elle se leva brusquement et quitta la Grande Salle en grandes enjambées.

   Tandis qu'elle s'éloignait du monde et du bruit, elle tenta à maintes reprises de retrouver ses esprits. Ça ne pouvait pas être la réalité. La progéniture de Lord Voldemort ne pouvait pas être ici, pas à Poudlard. Et pourtant, elle avait vu ce même visage, ces yeux, et ce satané sourire.

   Était-il là pour elle ? Avait-elle fauté quelque part durant cette horrible entrevue ? Elle s'empressa de chasser ces pensées du mieux qu'elle put. Voldemort n'aurait sans doute pas pris la peine d'envoyer son propre fils uniquement pour ramener à l'ordre une pauvre adolescente à la fidélité discutable. Mais alors, c'était donc pire. Si Mattheo était là, cela ne pouvait être que pour quelque chose d'aussi terrible qu'inimaginable.

   La tête d'Anya lui tambourina derrière ses tempes. C'était bien trop d'un coup pour elle, et elle avait désespérément besoin de calme. C'est avec cette volonté en tête qu'elle prit alors le chemin de sa salle commune, où elle espérait pouvoir s'y effondrer et réfléchir plus clairement à toute cette situation.

   Peut-être était-ce ce mal de crâne qui ne lui fit pas remarquer tout de suite le bruit de pas lourds derrière elle.

   Lorsqu'elle le fit, elle n'y pensa d'abord pas grand chose. Cependant, au fur et à mesure qu'elle s'enfonçait dans les multiples couloirs du château, il devint difficile de ne pas conclure qu'elle était suivie. Pire encore, les pas s'accéléraient un peu plus à chaque coin. Elle n'avait même pas envie de regarder derrière elle.

   Alors, telle une proie qui fuit son prédateur, elle accéléra elle aussi sa marche. À chaque carrefour, elle espérait que le bruit derrière s'arrête ou qu'il change de direction, mais bien évidemment, cela n'arriva jamais. Anya n'était même plus sûre du chemin qu'elle prenait elle-même. Elle avait espéré trouver un quelconque réconfort dans sa salle commune, mais maintenant qu'elle avait pris conscience qu'il y serait aussi, elle galopait sans but de couloir en couloir, uniquement guidée par une panique glaciale.

   Ce jeu de chasse fut bientôt trop pour Anya. Comme elle refusait toujours de se retourner, elle s'apprêta alors à courir, quitter à perdre l'estime qu'elle pouvait avoir pour son quelconque courage. Mais à peine eut-elle pris de l'élan qu'il s'élança avant elle.

   Mattheo courut jusqu'à elle, et dans un geste aussi rapide que brutal, la plaqua au mur.

   Anya poussa un petit "aïe" lorsque sa tête cogna la surface, mais sa voix se bloqua ensuite dans sa gorge lorsque deux yeux noirs comme du charbon vinrent se plonger directement dans les siens.

   — Salut, dit Mattheo le plus nonchalamment du monde.

   Son visage et sa voix étaient d'une douceur inattendue. Mais son corps rigide et puissant qui maintenaient Anya en place racontaient une toute autre histoire.

   Anya dut avaler deux fois sa salive avant de parvenir à dire quelque chose, sa voix sortant malgré cela chevrotante :

   — Je sais qui tu es.

   Il sourit.

   — Moi aussi je sais qui tu es, Anya Delake.

   Il prit soin d'articuler chaque syllabe de son nom complet. Les deux mots ne ressemblaient alors plus qu'à une menace entre ses lèvres. Anya déglutit douloureusement. Il le remarqua.

Là où pleurent les serpents | MATTHEO JEDUSOROù les histoires vivent. Découvrez maintenant