𝐄𝐑𝐑𝐄𝐔𝐑 𝐃'𝐄́𝐓𝐄́ ⁽ᵛᵏᵒᵒᵏ⁾

𝟗. 𝐇𝐢𝐯𝐞𝐫 - 𝐔𝐧𝐞 𝐝𝐨𝐮𝐥𝐞𝐮𝐫

Les flocons tombent sur le sol et dans les cheveux des passants pressés par le froid. À travers une fenêtre j'observe les premières neiges d'hiver.

- Tu te souviens quand on a fait un bonhomme de neige avec une clope et une bouteille de soju. On pensait qu'on était des thugs. Je me marre seul. si seulement on avait su tout ce qu'on ferait plus tard.

Je me tourne vers la pièce et remarque qu'elle est vide. Je ressens comme un choc pendant une demie seconde puis tout reprend son cours.

J'ai tendance à oublier qu'elle n'est plus là parfois. Ça ne dure que quelques infimes secondes mais c'est déjà trop.

J'observe les murs gris, le bureau parfaitement rangé, la commode légèrement branlante qui n'a pas encore céder malgré les tonnes de livres entassés et j'essaie de comprendre.
Pourquoi cette chambre dont toute adolescente de 18 aurait pu rêver lui a semblé comme un étau ? Pourquoi ces murs étaient-ils une prison dorée à ses yeux ?

Puis une question sans rapport me vient : pourquoi pas de lettre ni d'adieux ?

Presque un an maintenant que cette question me torture.

Je me rappelle notre dernière conversation, c'était par sms.

"Jungkook, je peux t'appeler ?

- Bien sûr. C'est urgent ?"

J'étais en soirée mais elle savait qu'à tout moment elle pouvait m'appeler.

"En fait non, laisse tomber. Passe une bonne soirée. Je t'aime."

Était-elle en larme au moment où elle m'a écrit ces mots ? ou arborait-elle simplement un sourire triste ?
Un autre mystère qui resterait irrésolu.

Je sors parce que l'air devient irrespirable.

Je sursaute dès que j'ai fait un pas en dehors de la chambre de ma soeur. Ma mère, est sur le palier et me regarde avec une surprise non dissimulée.

Je ne pensais pas qu'elle me surprendrait dans la chambre et elle ne pensait pas que je la surprendrais devant la porte.

- Je n'écoutais pas à la porte. ment-elle effrontément.

- Je sais que tu écoutais maman, pas la peine de mentir. C'est pas grave, je n'ai pas honte.

Elle souffle de soulagement en s'appuyant sur l'encadrement de la porte.

- D'accord, c'est bien. Je suis contente que tu sois en phase avec toi même.

Elle sourit et j'ai l'impression de voir et d'entendre la psy. Je ne sais pas tellement ce que ça me procure mais ce n'est pas positif.

Je hoche la tête simplement, par acquis de conscience.

Je rentre dans ma chambre et la différence est saillante. Les murs sont bleus, un poster angleterre est collé à mon mur et mon étagère est rouge. Tant d'objets, de meubles et de thèmes inchangés depuis ma petite enfance parce que cette pièce n'est qu'un point de passage.

Elle passait le plus clair de son temps dans sa chambre tandis que je le passais chez des potes, dehors ou en bas.

Nous vivions deux réalités différentes, c'est peut-être pour ça que je suis incapable de la comprendre.

Je récupères mon téléphone et remarque un message dans le groupe de l'été, le "les 3 soleils" en référence au nom terriblement kitsch du camping.

Un message de Jian avec énormément de points d'exclamations - trop de points d'exclamations - m'apparaît immédiatement.

"C'est sûr que je reviens au merveilleux camping des trois soleils cet été !!!!!!! Il y a intérêt à ce que vous aussi !!!!"