𝐈𝐗 - 𝐑𝐀𝐍𝐙𝐄 𝐊𝐔𝐑𝐎𝐍𝐀

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Je passe mes journées dans la seule salle de musique de l'école constamment vide.
Elle se situe au troisième étage mais personne ne passe jamais par ici.
Les élèves sont terrorisés par une légende qui raconte qu'à n'importe quelle heure de la journée, quiconque s'aventure dans le couloir mystérieux entend une mélodie mélancolique jouée par un violon.
Il y eut déjà bon nombre de témoins mais personne n'a jamais cherché à mener l'enquête.
Certains croient à un fantôme mélomane et d'autres pensent que c'est une farce de mauvais goût.

J'ai également été témoin de ces faits, plusieurs fois.
J'aime cette musique, elle calme l'esprit.
Je sais pertinemment que je l'entendrai autant de fois que je le veux pour la simple et bonne raison que c'est moi qui occupe les lieux.
Mon violon et moi somme la raison pour laquelle aucun étudiant, de même pour les professeurs, n'a plus posé un pied au troisième étage.

Du moins, c'est ce que je croyais. Depuis maintenant quelques semaines, je sens une présence m'épier lorsque je joue. Seulement, dès que j'ouvre la porte, cette présence disparaît.
Ce sentiment ne m'est pas indifférent, j'apprécie le public.
Après tout, peut-être y'a-t-il véritablement un fantôme dans ce couloir.

Aujourd'hui, j'étais d'une humeur particulière. Ni trop triste, ni trop heureuse. Le morceau que j'avais choisi d'interpréter s'intitulait "La Méditation de Thaïs" de Jules Massenet.                              
C'est l'un des morceaux que je préfère. Un mélange parfait entre l'amour, un semblant de joie et de tristesse. Il a su interpréter sa souffrance à travers ses notes de manière admirable.

Je joue toujours avec passion et encore davantage lorsqu'il s'agit de ce morceau. Il me rappelle mon enfance. Mon père et moi le jouions sans cesse, à tel point que ma mère s'était mise à le  fredonner à voix basse sans jamais l'avoir appris.

À mon entrée au lycée, mon père est tombé gravement malade et n'a plus été en mesure de jouer du violon. Malgré ça, je n'ai jamais abandonner notre rêve commun de devenir des violonistes célèbres, dont les morceaux seraient mondialement connus.                                       
De temps en temps, je suis à son chevet et je lui raconte mes journées, même les plus monotones.

Il me manque terriblement.

Mes pensées étaient en train de me perdre lorsqu'une voix s'éleva :

« Ta façon de jouer est différente aujourd'hui. Est-ce que tout va bien ? »

Je cessa immédiatement de bouger afin de diriger mon regard vers l'entrée de la salle.
Un garçon au cheveux roses se situait juste derrière la porte.

« - Désolé, je t'ai fait peur ? Je peux partir si tu veux.
- Non ! Attends, tu peux entrer. »

Il s'exécuta et vint se placer juste devant moi.

« - Qui es-tu ? Qu'est-ce tu viens faire ici ? lui demandais-je
- Je m'appelle Ranze Kurona, et je...
- Tu...?
- C'est un peu embarrassant. Je viens souvent t'écouter jouer du violon, tu as beaucoup de talent. »

Alors c'est sa présence que j'avais senti à plusieurs reprises.

À l'observer, il m'a tout l'air de quelqu'un de réservé. C'est vraiment un joli garçon et ses joues rougies par l'embarras le rende encore plus adorable.

« - Comment tu t'es retrouvé au troisième étage ?
- La légende. Je suis curieux mais si je devais être franc, je n'y ai jamais vraiment cru.
- Tu es seul ?
- Oui, personne d'autre que moi n'est au courant. Tu as d'autres questions ?
- Oh, non. Pardon, tu m'as juste prise au dépourvu.
- Ne t'excuse pas, je ne comptais pas me montrer au départ mais ta musique semblait si différente de d'habitude...
- Ah oui... »

Kurona et moi étions désormais assis sur le sol poussiéreux de la salle 306, riants aux éclats. Nous parlions de tout et de rien et honnêtement, cela faisait longtemps que je ne m'étais pas sentie aussi bien.
Il m'avait proposé son jersey de football afin d'éviter que je me salisse.
J'ai refusé même si sans mentir, je mourrais d'envie de porter sa veste.

Une heure plus tard, chacun était retourné en classe, pensant à l'un et à l'autre.

Depuis ce moment, je n'ai jamais cessé de penser à Kurona.
Une routine s'était désormais installée entre nous.
Tout les jours, je continuais de perpétuer la légende tandis que lui me rejoignait et s'appuyait contre le mur en fermant les yeux afin de profiter de la musique pour se reposer un peu.

Plus le temps passait et plus les morceaux que je jouais reflétaient ma bonne humeur.
À l'évidence, Kurona était devenu ma source de bonheur. Sa gentillesse, sa délicatesse et le soutien qu'il m'apportait me firent tomber un peu plus amoureuse de lui à chaque seconde.

Quelques jours plus tard, il me retrouva toujours dans la même salle, mon violon à la main.
Mon visage était plus paisible que jamais.
Il entra discrètement et s'assura de ne faire aucun bruit avant la fin de mon morceau.

« Dis moi, je n'ai plus envie de dormir contre le mur, je peux me reposer sur tes genoux s'il te plaît ? »

Sa question ne me perturba même pas, tant sa présence m'apaisait.
Je l'autorisa à poser sa tête sur mes genoux, un sourire délicat sur mes lèvres et m'amusa à caresser ses cheveux avant qu'il ne tombe dans les bras de Morphée.

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« KURONA !! Tu es au courant de la nouvelle légende ? Il paraît que le fantôme du troisième étage est tombé amoureux. Récemment, son violon ne joue que des chansons d'amour. »

Kurona sourit tendrement à l'entente des paroles de son ami.

« Ce n'est pas un fantôme, c'est un ange. »

𝐁𝐋𝐔𝐄 𝐋𝐎𝐂𝐊 ❘❘ 𝐎𝐧𝐞𝐬𝐡𝐨𝐭𝐬 ツOù les histoires vivent. Découvrez maintenant