𝐕𝐈 - 𝐌𝐈𝐊𝐀𝐆𝐄 𝐑𝐄𝐎

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Je travaille depuis maintenant cinq mois dans la parfumerie de mes parents.
Je n'aime absolument pas l'environnement dans lequel je suis forcée de vivre. Toutes ces odeurs me donnent une migraine atroce.

Mes parents me forcent à tenir le comptoir où les gens demandent conseil à longueur de journée. Ce genre de métier est fait pour les gens passionnés, je ne suis absolument pas attirée par la vente de parfums. Il est nécessaire de posséder beaucoup de connaissances pour assurer ce poste et je le dis haut et fort, ce n'est pas mon cas.
Les clients défilent les uns après les autres et malgré la sympathie de la plupart d'entre eux, je ne supporte plus cet endroit.

De plus, parfumerie est synonyme de luxe, de codes à respecter, de manières et autres règles fastidieuses à suivre à tout prix afin de garder une image de qualité auprès de nos clients.

Rien qui me corresponde. Ce que j'aime moi c'est la simplicité.
J'aime manger des plats instantanés, me lever à treize heures, jouer au football jusqu'à ce que la nuit tombe, regarder la télé allongée n'importe comment sur mon canapé en jogging.

L'uniforme de la boutique n'a rien de confortable. La jupe me serre, elle serait presque trop courte, les talons deviennent un enfer en fin de journée et mon chignon que j'essaye de plaquer chaque matin pendant vingts minutes se défait au bout de deux heures.

Tout est trop strict. Je ne suis même pas payée le SMIC alors que je travaille comme un salarié lambda, voire plus. Je fais les ouvertures et les fermetures du magasin tous les jours. Tout ça parce que je suis la fille de mes parents et que je dois prendre mes « responsabilités ».
Je suis à deux doigts d'appeler ça de l'exploitation mais je ne peux rien dire.

Ils diraient que je suis une mauvaise fille, égoïste, que je ne pense pas assez à l'affaire familiale et j'en passe.
Et à vrai dire, ils n'auraient pas tord, la seule chose que je veux, c'est qu'on me sorte d'ici.

Il était onze heures du matin, j'étais à mon poste comme d'habitude. J'attendais les clients de pied ferme déterminée à terminer tôt aujourd'hui.

Un couple de personnes âgées entra mais ne s'arrêta pas devant moi. Ils savaient déjà pourquoi ils étaient là et cela me convenait parfaitement. J'aime ce genre de clients et n'importe quelle personne travaillant dans le commerce le dira, les clients qui savent ce qu'ils veulent sont de loin les meilleurs.

Les premières heures étaient très tranquilles, ce qui changeait d'un lundi ordinaire.
J'espérais que le reste de la journée suivrait le même rythme.
C'est alors qu'un autre couple de jeunes gens entra dans la boutique.

Un jeune homme à la chevelure violette accompagné d'une jeune femme agrippée à son bras.
Sa voix stridente lui ordonnait presque de lui acheter la boutique entière.
Elle s'arrêta devant chaque flacon, s'en aspergea avant de le reposer brusquement.

J'étais déjà fatiguée à l'idée de devoir lui dire que les bonnes manières existent encore et qu'elle devait se comporter comme une citoyenne respectable peut importe le montant de son compte en banque.

Je me demandais comment son copain faisait pour la supporter elle et ses caprices avec un sourire sur le visage.

J'inspirais un grand coup avant d'entendre cette jeune fille hurler sur la pauvre caissière qui venait de renverser du parfum sur son sac à main.

« - MAIS QUELLE IDIOTE, TU NE SAIS DONC PAS TE SERVIR DE TES MAINS ? JE TE SIGNALE QUE CE SAC VAUT BIEN PLUS QUE TON SALAIRE ANNUEL PAUVRE IMBÉCILE !!
- Calme toi enfin ! Elle ne l'a pas fait exprès, c'était un accident. Ton sac n'est pas abîmé, répondit le garçon qui l'accompagnait »

Agacée du cirque qui avait causé une scène dans le magasin, dérangeant les autres clients, je me dirigea vers la responsable.

« Mademoiselle, je vous prie de cesser vos hurlements, cette pauvre caissière a commis une erreur et nous en sommes navrés cependant, il est inutile de déranger le reste des clients présents avec vos grands gestes. Un nouveau flacon vous sera dédommagé. Si toutefois cela ne vous convient pas, la sortie se trouve de ce côté. Merci d'être venus et passez une excellente journée. »

J'aurais pu faire preuve de plus de gentillesse, de compréhension ou même de compassion. Il faut le dire, mon geste commercial frôlait le minable pour une enseigne comme la nôtre mais je voulais éviter qu'une dispute éclate.
Une cliente de moins ne se verra même pas.

Bouche bée, elle fulminait dans son coin, tandis que son copain s'était retourné pour ne pas exploser de rire.

Il me souriait de loin et avant qu'il puisse venir me parler, sa copine lui attrapa le bras et l'entraîna dehors en hurlant que c'était un scandale qu'une marque de luxe traite ses clients de cette manière.

La caissière qui avait nettoyé les morceaux de verre au sol, me remercia un nombre incalculable de fois pour l'avoir défendue à sa place. La pauvre, complètement pétrifiée arrivait à peine a ouvrir la bouche.

Le lendemain fut bien plus chargé. Une queue interminable s'était formée devant mon comptoir et parmi les clients habitués et les nouveaux, j'en reconnus un.

Le garçon d'hier aux cheveux violets, seul cette fois-ci.

Il s'avança après avoir patienté une demi-heure.

« - Bonjour, que puis-je faire pour vous ?
- Bonjour, je suis venu parce que j'aimerais discuter avec vous.
- Discuter avec moi ? Navrée mais sur mon temps de travail, il m'est impossible de parler avec des clients.
- Bien, quand êtes-vous disponible ?
- ...Après mon service j'imagine...vers vingts heures.
- Je serais là, à ce soir alors. »

Ce qui venait de se passer était extrêmement étrange. Il n'avait pas l'air énervé, il n'était pas venu se plaindre pour l'incident d'hier...

Je ne sais pas ce qu'il me veut mais il n'a pas menti, il est vingts heure et je le vois, devant la boutique, appuyé sur une colonne en pierre.

« - Qu'est-ce que vous me voulez ? demandais-je
- Juste parler un peu, je veux aussi m'excuser pour le comportement de ma fiancée hier.
- Fiancée ?
- Oui, elle et moi sommes supposés nous marier d'ici quelques mois mais ce mariage est purement arrangé. Je la déteste mais elle, m'aime désespérément. »

Je m'assis sur un banc et l'invita à me rejoindre afin qu'il poursuive son histoire.

« - Nos parents sont de riches PDG et ils souhaitent notre union afin de resserrer les liens entre eux. C'est une nouvelle qui n'a réjouit qu'elle...
- Je suis désolée, j'ignorais que derrière ton sourire, tu cachais tout ça.
- Oui, tu m'as beaucoup fait rire hier, merci pour ça aussi.
- Tu sais, moi aussi je hais cet endroit, ce travail, tout...
- Vraiment ? Raconte moi, j'aimerais t'écouter parler. »

Devant un coucher de soleil, j'expliquais à un parfait inconnu, tout ce qui étais imparfait dans ma vie.

Il m'écoutait attentivement et me comprenais.

Il m'a dit qu'il s'appelait Reo, je lui ai également dit mon nom et nous sommes restés en contact.

Au fil du temps, Reo et moi sommes devenus très proches, nous étions inséparables et partagions notre amour pour la simplicité.

Le lundi il venait manger des nouilles instantanées chez moi et le mercredi, nous jouions ensemble au football sur le terrain de la ville voisine.

Malheureusement, notre amitié n'était pas la seule chose qui s'était développée.
Mes sentiments pour Reo ont changés et je ne le voyais plus comme mon meilleur ami.
Je m'étais forcée de réprimer ce qui ne devait pas être su.
J'en souffrais mais rien ne devait gâcher le mariage de mon ami.

Des mois plus tard, Reo m'annonça quelque chose qui changea tout.

« - J'ai annulé mon mariage.
- Quoi ?
- J'ai réussi à tenir tête à mes parents, pour la première fois.
- Reo ? Qu'est-ce qui t'as pris ?
- Je ne l'ai jamais aimé, je ne l'aimerais jamais, je refuse de vivre une vie que je n'ai pas décidé.
Ce n'est pas elle que je veux...
- Qu'est-ce que tu veux alors ? »

Reo sourit, rapprocha son visage du mien avant de déposer un baiser sur mes lèvres.

« C'est toi que je veux. »

𝐁𝐋𝐔𝐄 𝐋𝐎𝐂𝐊 ❘❘ 𝐎𝐧𝐞𝐬𝐡𝐨𝐭𝐬 ツOù les histoires vivent. Découvrez maintenant