N°2: Le souvenir

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Il y avait beaucoup de souvenirs que Thranduil essayait de laisser sur le côté. Tant de personnes qu'il avait perdues et qu'il aurait préféré oublier. Mais parmi tout ceux qu'il avait vu disparaître au cour de sa longue vie, la blessure la plus à vif restait sûrement liée à sa mère. C'était peut être la raison pour laquelle son nom ne franchissait jamais ses lèvres et qu'il n'en parlait jamais de son propre chef.

Sauf que aussi fort que son esprit soit, parfois les souvenirs revenaient et il ne pouvait s'empêcher de songer à la personne qui avait forgé son caractère. Si physiquement il partageait beaucoup de traits avec son père, notamment la taille et la couleur des yeux, ceux qui avaient connu l'ancienne reine disaient qu'il avait exactement le même caractère. Cela ne signifiait évidemment pas que sa mère eu été une femme douce, fluette et délicate. Non, de ce qu'il se souvenait, sa mère avait toujours été quelqu'un de fort et de puissant. Quelqu'un d'un peut trop déterminé pour son propre bien et qui aimait un peu trop son mari pour vivre sans lui.

"Elanor", l'Etoile Soleil. Un nom sindarin qui ne reflétait pas ses origines vanya. Et qui avait ensuite été affublée du surnom de "Gûrgechil", le cœur de glace. Encore un nom qui ne représentait pas très bien la mère dont il se souvenait. Et la femme dont son père était tombé amoureux.

*

"Votre majesté, le roi Oropher est mort"

Elle n'avait pas eu besoin d'attendre qu'on le lui dise, elle l'avait sentit. Au plus profond de ses entrailles c'était comme si elle avait entendu son cri et qu'elle avait reçu elle-même l'épée. L'épée qui lui avait enlevé son mari. Et si Elanor n'était pas quelqu'un qui accordait facilement son affection, celle qu'elle avait pour sa famille était unique. Indescriptible, au-delà de ce que les mots humains pouvaient décrire.

C'est parce que cet élément était connu de tous que le soldat fut surpris en voyant la souveraine se retourner vers lui calmement. Pas une larme ne coulait le long de ses joues malgré la douleur. Et il sembla au guerrier venu lui porte la nouvelle qu'elle souriait. Un sourire étrange mais qui en restait un et qui étirait les lèvres pâles de la reine d'une manière désagréable.

"Dame Elanor? Est-ce que tout va bien? Demanda le messager avec une voix tremblante

- Où est sa dépouille?

- Encore sur le champ de bataille votre majesté, nous sommes en train de tenter de la récupérer mais...

- Laissez moi faire et faites venir mon fils dans ma tente dès qu'il sera rentré"

Elle s'était rendue seule sur le champ de bataille. Même si celui-ci était encore rempli d'orcs, aucun n'osa s'interposer comme s' ils sentaient la force qui émanait de cette elleth. Elanor était grande, mesurant environs un mètre quatre vingt sept mais ce n'était pas là que résidait sa stature. C'était plutôt l'étrange détermination avec laquelle elle accéda à l'endroit où gisait son époux.

"Oh... melleth nîn... melleth nîn..." *

Elle passa doucement son bras dans le dos d'Oropher pour le soulever délicatement. Il avait encore la peau chaude et aurait semblé assoupi si une lame n'avait pas été enfoncée dans son torse. Elanor pencha doucement la tête et l'appuya contre celle de son mari. Elle se serait presque attendue à le sentir passer sa main dans ses cheveux comme il le faisait habituellement mais ce moment ne viendrait jamais. Oropher était parti. Parti dans un endroit meilleurs sûrement. Mais cela ne rendait pas le deuil plus aisé ou la douleur moins intense.

"Melleth nîn... gohena nîn... av-awartha nîn... av- awartha ion vìn" **

Le voilà le cri que le soldat s'était attendu à entendre... le cri d'un animal en détresse, blessé, touché au cœur et qui sait qu'il ne se relèvera jamais. Elanor finit par fermer les yeux de son mari tout en l'embrassant sur la tempe. Elle l'enveloppa dans sa cape et le souleva délicatement. Oropher était très grand mais à ce moment elle eut l'impression de porter un enfant. Et alors que la pluie qui avait commencé à tomber effaçait les larmes de ses joues, la reine ramena le corps jusqu'à son campement.

La bataille était finie, la plaine de Dagorlad était aux mains de la dernière alliance. Et le sang de milliers d'innocents était venu abreuver son sol. Mais le seul qu'elle pleurait se trouvait dans ses bras. En la voyant traverser le campement, chaque elfe encore vivant, et ils étaient peu, posa un genoux à terre dans un silence de mort. Littéralement. Les pertes avaient été terribles, à tout les niveaux. Mais la mort du roi... était d'autant plus terrible qu'il laissait toute sa famille derrière lui.

"Naneth! On m'as dit que vous vouliez me voir, est-ce que tout va bien? J'ai cru sentir que Adar avait été blessé mais ce n'est rien de..."

Son fils. Voilà le dernier trésor qui lui restait. Mais un trésor déjà brisé au vu de l'expression d'horreur qui se dessinait sur son visage. Il reconnaissait le manteau rouge de son père, la couleur de ses mèches de cheveux et sa silhouette dans les bras de sa mère. L'ellon couru vers sa mère pour découvrir le visage du corps.

"Adar? Adar? ***

- Ion nîn, Aran nîn, Ada... Ada fìr... goheno nîn..."  ****

*

Le vide dans les yeux de sa mère à ce moment-là était la dernière chose dont Thranduil se souvenait à son sujet, en tout cas clairement. Il savait que quelques semaines après elle avait disparu mais c'était tout. Et c'était peut être cette blessure pas encore cicatrisée qui lui faisait aussi mal à chaque fois qu'il se laissait divaguer, un bon verre de vin à la main. Il ne savait pas où elle était allée, si elle était morte ou si simplement son cœur l'avait appelée en Aman. Ou alors peut-être était-elle encore en terre du milieu? Qui pouvait le dire?

"Oh nana... comme tu me manques..."

____

* Oh... melleth nîn... melleth nîn : Oh mon amour, mon amour

** Melleth nîn... gohena nîn... av-awartha nîn... av- awartha ion vìn: Mon amour... pardonne moi... ne m'abandonne pas... n'abandonne pas notre fils...

*** Adar? Adar?: Père? Père?

**** Ion nîn, Aran nîn, Ada... Ada fìr... goheno nîn: Mon fils, mon roi, ton père... ton père est mort... je suis désolée...

Je voulais écrire sur Thranduil et notamment sur ses parents car je les imaginais s'aimer énormément, j'imaginais la douleur qu'aurais pu ressentir sa mère et surtout l'idée qu'il pourrait se faire que les gens de sa famille sont destinés à vivre constamment des drames... dur de garder espoir quant ceux que vous aimez disparaissent constamment... en tout cas mon cher Thranduil, voici justice faite...! 

"En tête à tête avec un ange" Les Hors SérieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant