Chapitre 11

60 15 33
                                    

" Quel sentiment étrange qu'est l'impuissance, ne trouvez-vous pas ?"


Elle resta un moment silencieuse, rassemblant son courage avant de lancer clairement :

- Allez-y.

Talya sentit plus qu'elle ne la vit l'expression de Lilith changer jusqu'à atteindre celle de la dernière fois : menaçante, presque effrayante. Comme les méchantes sirènes dans les livres qu'on lui lisait plus jeune ; elles se montraient sympathiques et amicales puis vous noyaient au fond de l'océan sans une once de regret.

L'adolescente ne put s'empêcher de sourire en réalisant qu'elle venait de comparer Lilith à une sirène de conte pour enfants.

- Il n'y a aucune raison de sourire, Talya, lui assura la scientifique

Elle avait murmuré les mots, comme si elle espérait à demi que la jeune fille ne les entendrait pas.

- En fait, Lilith, il y a énormément de raisons de sourire.

Dans un coin de sa tête, celui qui n'était pas accaparé par la pensée qu'elle allait se faire torturer sous peu et que c'était elle qui l'avait demandé, elle se rendit compte que toutes deux avaient jeté leurs rôles aux orties, révélant enfin leur réelle personnalité.

Elle, difficilement effrayée, insolente, méprisante. Autrefois, on lui avait reproché tout cela. À présent, ça s'avérait fort utile.

L'autre, confiante, cruelle - si ce n'était pas sadique - et difficile à interpréter. Si difficile d'ailleurs que Talya ne savait pas si elle avait raison de croire que Lilith était elle-même en ce moment. Sans doute que oui ; si il était facile d'interpréter la gentillesse exagérée, presque naïve, il se trouvait qu"être" à l'origine de la peur était extrêmement plus ardu.

- Cite-m'en une seule de valable.

- Vous.

Comme elle savait que la scientifique exigerait des explications, elle ne resta dans le silence que pour la laisser s'impatienter un peu. Une fraction de seconde avant qu'elle n'ouvre la bouche, Talya répondit à sa question non formulée :

- Vous y avez cru.

- Les gens vagues m'insupportent et le seul fait de te parler est agaçant, je te conseille de ne pas tester le mélange.

- Pourquoi ? Parce que je suis censée avoir peur de vous ? C'est de ça que je parlais. Vous avez cru que j'étais... quel terme avez-vous employé ? Brisée. C'était ça.

Elle avait espéré, au pire, un énervement qui mettrait à mal ses espérances de survie et, au mieux, une réaction désemparée. Seulement, Lilith ne fit rien de ce qu'elle avait escompté. Elle ne fit rien du tout, à vrai dire, à part lever les yeux au ciel.

- Ce que tu ne comprends pas, c'est que brisée ou non, tu vas faire ce qu'on te dira. À ton avis, pourquoi avons-nous choisit des adolescents ? Si nous avions attendu que vous soyez adultes, beaucoup d'entre vous auraient déjà développé leur capacité, et ils seraient devenus plus forts, et plus résistants si nous avions du les déclencher par nous-même. Alors, pourquoi des enfants ?

Talya blêmit et Lilith lui sourit, condescendante.

- Je déduis de ton expression que tu comprends. Et si je te disais qu'en fait, tu n'as pas tout saisit ? Que tu ne vois qu'une partie infime du tableau ? Oh, il y a de quoi pâlir, en effet. Maintenant, je parie que tu t'imagines toutes sortes de théories sur nous. Et puis, plus tard, tu vas te dire qu'elles sont complètement folles, ces théories, avant de te rappeler que tu ne sais plus ce qui est possible ou non. Et si c'était toi qui devenait folle ? Et si je mentais encore ? Que sais-tu, au juste ? Qu'es-tu certaine de savoir ?

Les Souvenirs PerdusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant