Chapitre 5

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Année 465, Ebrulla

Néola

Assise sous un paravent de boutique fermée, Néola grelottait. La pluie s'abattait sur elle avec violence. L'orage nettoyait les rues de cette ville depuis près d'une heure, et la jeune femme avait vu ses pauvres vêtements être réduits en seconde peau congelée.

Les jours avaient passé, et Néola poursuivait ses recherches sur le mage de l'air. L'odeur nauséabonde des rues lui devenaient habituelles, s'émancipant peu à peu. 

Son estomac gronda. Encore. La faim et le froid grignotaient ses forces d'heure en heure. La jeune femme s'épuisait, sans rien pouvoir faire pour remédier à sa situation. Néanmoins, sa détermination ne flanchait pas. Pas même aux réponses négatives qu'on lui apportait sur le mage de l'air. Elle restait sûre d'elle. Pour elle-même. Pour son passé oublié.

Dans cette ville aérienne de Vollia, Néola avait failli se perdre plus d'une fois. C'était un véritable labyrinthe. Aucune de ses maigres connaissances ne l'aidaient pour s'y retrouver. Sans parler des passants qui la jugeaient à chaque passage. Une méfiance grandissante dès qu'elle abordait le sujet du mage de l'air. Les regards méprisants à son égard lui étaient injustifiés, l'agaçant en même temps.

Ce mage était son seul espoir. La seule personne à pouvoir l'aider dans sa quête. Jamais Néola expliquerait sa situation à qui que ce soit, elle s'en faisait la promesse. A chaque fois qu'on lui demandait des détails sur les raisons qui la poussaient à le trouver, Néola détournait l'attention ou répondait vaguement. 

Une cascade s'écroula sur la tête de la jeune femme qui se crispa en un éclair. Aveuglée par l'eau torrentielle, Néola ne vit pas un trou béant au sol et chuta droit dans une flaque profonde. Elle jura. Elle toussa, cracha cette eau croupie. Maudite tempête !  Le temps automnal était décidément le pire.

Un cliquetis semblable à des pas de gardes retentit plus loin. Il était temps pour elle de changer d'endroit. Avec ces quelques jours à survivre parmi les pourritures et les rats, Néola avait compris que les gardes effectuaient des rondes régulières afin de nettoyer les rues. Ils repoussaient et délogeaient les mendiants pas tous les moyens possibles, usant parfois de la force. 

Dos vouté et tête basse, Néola s'engagea dans les ruelles les plus crasseuses et étroites. Elle tomba sur une grange où d'autres sans-abris se collaient. Un technique qu'un homme lui avait conseillé la veille ; profiter de la chaleur corporelle des autres. 

Ce même homme à qui elle avait dû tirer les vers du nez pour savoir comment survivre à Ebrulla. Après des minutes à supplier, il avait tout relaté. Les différents endroits pour s'abriter. Les tours de garde. Les astuces de survie. Cependant, en ce qui concernait la nourriture, c'était chacun pour soi. Récupérer les restes des auberges était possible, pour ceux qui savaient se débrouiller pour ne pas se faire attraper. Un risque que Néola n'était pas prête à prendre.

Néola s'installa dans un coin, enroulant ses bras autour de ses jambes gelées. Sa respiration ralentit. Son cœur aussi. Elle essayait de sauvegarder toutes ses forces. Paupières scellées, elle se reposait. Le tonnerre gronda, la faisant sursauter. 

Cela lui fit penser à Alain et sa tornade nocturne. Un maigre sourire apparut à ses lèvres gercées. Une nuit aussi mouvementée de celle-ci, mais où une famille restait soudée. Elle était seule désormais. Néola n'avait personne à ses côtés. 

Les plats préparés par Sylvia avaient disparu en un rien de temps. Deux jours entiers à marcher creusait l'estomac. Mais ce manque lui avait permis de comprendre qu'elle était résistante et capable de survivre plusieurs jours dans de terribles conditions. La fatigue s'accumulait et Néola demeurait apte à se déplacer sans avoir besoin de manger, malgré le poids perdu. Cela lui fit chaud au cœur ; elle qui craignait avoir été une personne frêle, était quelqu'un de robuste dans sa vie oubliée.

La perte mémorielleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant