Chapitre 9

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Année 465, Ebrulla — auberge le Vide Air

Harte

Dès son réveil, Harte sut que cette journée n'allait pas être bonne. Rien ne pourrait contourner ce pressentiment.

Pas même la discussion tranquille de ses amis. Surtout pas que Néola les rejoignait. Il se crispa. 

Son regard s'attarda sur Néola, qui s'installa auprès de Rose, prenant de ses nouvelles. Comme si elles étaient amies de longue date. Harte restait mitigé à son sujet. Bien qu'il fasse attention à ne pas éveiller son trouble envers elle, Harte ne savait pas comment s'y prendre. 

L'histoire qu'elle leur avait relaté provenait d'une tragédie ; son amnésie. Mais Harte s'en méfiait comme la peste. Jamais se fier à la couverture d'un livre. Surtout quand les pages recelaient de squelettes.

La voix d'Evie perça sa bulle de réflexion. Harte comprit qu'elle venait de lui poser une question rien qu'en remarquant les têtes de son équipe. Tous le dévisageaient. Il n'avait pas prêté attention à la conversation et ça venait de se voir.

— A quoi penses tu pour que tu puisses ignorer une discussion ? lui demanda Néola pendant que les autres se retournaient et reprenaient là où s'étaient arrêtés.

— A rien qui puisse t'intéresser.

— C'est vrai que me fixer durant cinq bonnes minutes, ne donne en aucun cas une quelconque suspicion à mon égard, rétorqua-t-elle sourire en coin. Et puis je sais très bien que tu ne me fais absolument pas confiance, je suis amnésique pas aveugle.

Un goût âcre s'immisça dans la gorge du chef de bande. Il détestait ça. Être perçu comme l'idiot distrait. Un statut qui lui sortait par les yeux.

— Tu as fini ? On doit se préparer pour le trajet et il faut choisir quel chemin prendre pour éviter de se faire arrêter par la garde.

— A ton avis, de quoi on parlait ? On t'attendait pour partir, et on a déjà vu toutes les routes qu'on pourrait prendre. En gros, fallait juste que tu te lèves et que tu sois d'accord pour y aller.

— Sérieux ? Allons-y ! 

Il ne leur fallut pas plus pour embarquer leurs affaires et sauter dans la charrette volée. Affaires superposées à l'arrière, Zaira prit les rênes, Silas bondit à son côté. Le reste se serra derrière eux. Néola sur le bord droit, collée à Eros, emmagasiné par sa sœur qui poussait Harte du côté gauche.

L'habituelle conversation télépathique des jumeaux débuta. Leur regard complice fit grimacer Harte ; ça sentait les coups fourrés pour son équipe et les farces incessantes. Un baptême pour Néola, qui était sur le point de découvrir le vie avec les voleurs. 

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La première heure de route se passa tranquillement. Aucune blague de la part des jumeaux. Ce qui était étrange ; ils n'étaient pas très patients. Sauf là.

En pensant à Néola, Harte la regarda. L'amnésique était plongée dans ses songes, les yeux détachés de la réalité, balayant l'horizon sans point fixe.  Pour la première fois qu'il la connaissait, Harte la voyait comme elle était réellement. Comme la jeune femme perdue et sans masque. Sans cet air ennuyé ou menaçant. La vraie Néola. Peut importait qui elle était vraiment, Harte était persuadé que la vraie Néola se trouvait là, à admirer les paysages défilants.

La jeune amnésique inspira à grand coup, profitant de cet air frais. Le bois ancien de la charrette empestait. Il déteignait sur les vêtements, les sacs et même sur la nourriture. Tout absorbait cette odeur. Leur véhicule avait dû traverser le temps ; les places ne possédaient plus qu'une bande très fine de tissus, qui s'effilochait à chaque mouvement, les roues se faisaient tailler par le sol cabossé et des clous rouillés tombaient par moment.

La perte mémorielleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant