Année 465, forêt sud de Végétis — près d'une falaise
Néola
Encore sous le choc, Néola s'éloignait du groupe, le pas lourd. Les épaules écrasées sous le poids des révélations. Tente dressée, l'amnésique alla au bord de la falaise. Un soupir lui échappa. Sa tension ne baissait pas.
Toutes ses certitudes venaient de s'écrouler. Tout se remettait sans cesse en question. Une boucle infinie dans laquelle elle était enfermée. Sa quête avait évolué, mais en bousculant le reste.
Elle ferma les yeux, debout, seule, devant le vide. Néola se calma peu à peu aux mouvements des vagues en contrebas. Encrant son souffle sur l'océan, détendant son corps. Le vent vint lui caresser sa peau dorée, le soleil crépusculaire sur le visage. Elle se laissa aller au sens de la nature, s'abandonna à ces forces pouvant s'avérer aussi destructrices qu'apaisante.
La jeune femme ouvrit les yeux. Le souvenir de son réveil dans une prairie restait ancré en elle. Ce n'était pas il y a si longtemps, mais tant de choses avaient changé. Une larme perla. Néola la chassa.
Tout ce qu'elle pensait savoir sur elle-même venait d'éclater en mille morceaux. Néola rejouait la scène dans sa tête, espérant que pour une fois, son amnésie lui serait utile et qu'elle avait imaginé cet instant. L'instant où ce vieil homme cherchait le blocage dans sa tête, essayant de comprendre le problème pour le résoudre. L'instant où il lui a reculé contre la bibliothèque en se percutant au meuble, un air mélangeant la surprise et l'incompréhension au visage. À ce moment-là, Néola avait su. Elle l'avait pressenti. Il ne pourrait pas l'aider.
Elle se souvient de la terreur qu'elle a ressenti quand il lui a annoncé qu'il aurait ces deux informations. La première, Néola s'en doutait ; il n'a pas réussi à trouver un moyen pour sa perte. Quant à la deuxième, elle ne pouvait pas le prévoir.
Il lui avait dit droit dans les yeux, avec une expression grave.
— J'ai trouvé une chose qui ne devrait pas être là, de ce que tu m'as dit. Sur ton court parcours jusqu'ici, et ça ne collait pas alors j'ai fouillé un peu plus, et c'est là que j'ai vu une source lumineuse, faible mais bien présente.
Même dans son ignorance, Néola s'était douté de la réponse. Cette lumière représenterait la source présente chez tous les maîtres. Peu importe sa forme ou sa couleur, ça restait une source de pouvoir. Son intensité et sa nature variaient suivant les personnes.
Néola devait se rendre à l'évidence ; elle était une maîtresse élémentaire d'un élément indéterminé par le maître. Une maîtresse élémentaire, elle. Elle ne pouvait pas y croire, ou plutôt, elle ne voulait pas y croire. Son pouvoir ne serait pas très puissant, mais il existait, et il lui faudrait quelqu'un pour lui apprendre à le maîtriser.
Néola détourna le regard de la mer puis observa ses mains. Une capacité coulait dans ses veines. Elle avait besoin de savoir ce qu'il en était. Si elle arrivait avec le temps à voler, faire jaillir des flammes, faire s'élever les marées, provoquer des séismes ou lire dans les esprits, elle devait le savoir. Oui elle avait du pouvoir, et ça l'effrayait plus qu'elle ne le pensait.
Néola s'assit sur la falaise, les jambes dans le vide, puis s'allongea sur le dos, contemplant le ciel orange du crépuscule.
Des insectes grouillaient près d'elle, certains se collaient ou s'accrochaient à ses vêtements, qui ne lui appartenaient pas vraiment.
Le soleil se couchait, comme chaque jour, laissant derrière lui les lueurs de son passage. Les étoiles ne tarderaient pas à se montrer comme la lune, et ses rayons nocturnes.
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La perte mémorielle
FantasyCinquante années après la fin de la Grande Guerre, Néola se réveille amnésique. Perdue et désorientée, elle fera tout pour retrouver sa mémoire. Quitte à fréquenter des personnes qui lui veulent du mal, à se détruire, à rencontrer une bande de crimi...