Chapitre 7

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Année 465, Ebrulla — taverne le Vide Air

Néola

Le soleil déclinait lentement sur la ville, balayant de ses derniers rayons la jeune femme. Assise sur un bloc de bois rêche, Néola le contemplait.

Elle avait eu le temps de réfléchir. Nadia allait rester vivre ici. C'était évident. La fillette se plaisait ici. A l'abris du danger avec Evie, Nadia n'aurait plus à craindre les ivrognes et autres charognards des rues. Elle aura une vie semblable à celle de la gérante. Agitée. Remplie. Saine. 

Ses pensées se tournèrent vers Harte et Evie. Néola savait qu'il s'était passé quelque chose entre les deux. Mais elle ignorait quoi. Une enfance commune. Une longue amitié. Peut-être plus.

Ils ont eu une vie normale. Pourquoi je n'y ai pas le droit ?

Néola ne savait pas ce que c'était. Une vie normale. Avec des problèmes normaux. Qu'est-ce que c'était pour elle, une amnésique, une vie normale ? Personne n'était au courant pour ses problèmes. Pas même à Nadia, alors qu'elle l'avait sauvée. Pas même à Harte, à qui elle ne faisait pas confiance. Pourtant Néola savait qu'à un moment donné, elle n'aurait plus le choix et devrait lui en parler. Mais quand ? C'était sans réponse.

Néola le sentait. Elle sentait que son ancienne vie n'avait rien de normale. Elle non plus. Comprendre que Rose sondait son esprit aurait dû lui être impossible, et pourtant. La pauvre avait fini par se blesser. Néola pensait que cet échec était lié d'un manière ou d'une autre à sa mémoire. Mais elle ne pouvait pas mettre la main sur ce vide. 

Elle avait senti l'aura de Rose la submerger et s'en protéger inconsciemment. Tout comme lorsqu'elle avait compris qui était Harte et sa bande. Ses connaissances lui permettaient de comprendre beaucoup de choses autour d'elle. Bien trop pour une amnésique lambda. Des facilités venant de son ancienne vie. Elle avait l'air de savoir se battre et se défendre. Un sens inné. Ou une pratique assidue. Elle l'ignorait.

Même si Néola ignorait tout d'elle et de son passé, elle se jura de rester la personne qu'elle était devenue. Une bonne personne. Elle devait le rester, peu importe la Néola du passé. Elle n'existait plus. 

Dans sa contemplation du crépuscule et ses réflexions, elle n'avait pas remarqué que Nadia l'avait rejointe. 

— Tu penses à quoi ?

 — A rien.

Nadia fixait intensément l'amnésique.

— Menteuse. Tu penses toujours à quelque chose. Tout le temps.

— C'est peut-être bien vrai, mais là je veux juste contempler le soleil se coucher sans me préoccuper de quelque chose.

— Hm. Pourquoi pas. Mais je voudrais te parler d'une décision que j'ai prise.

Néola savait déjà ce qu'elle allait dire et où menait cette discussion.

— Tu vas rester ici en sécurité avec Evie, n'est-ce pas ? 

— Co-comment tu sais ? Je n'en ai parlé qu'avec Evie.

Les grands yeux de la petite révélaient son étonnement grandissant. Néola lui sourit doucement, jouant à la maligne.

— Je m'en doutais. C'est logique ; tu aurais un toit, et certainement un travail. Sans parler de la sécurité d'Evie. Tu seras bien ici.

— Je suis désolée de te laisser seule. Tu m'as quand même sauvée ...

Une larme perla sur la joue de Nadia, qui tenta de la chasser. Une réaction qui pinça le cœur de Néola. Elle ne s'était pas attendue à s'attacher aussi vite à l'enfant, mais elle l'avait sauvée. Un lien s'était créé à partir de ça.

La perte mémorielleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant