Chapitre 2 : Naufrage

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(Musique marche pas vraiment avec la première partie, mais j'ai écrite la 2e partie en l'écoutant en boucle. Bonne lecture!)

Aymee était en train de ramer sur un océan sombre et infini. Ou plutôt, elle essayait. Son aviron était tordu et son bout était effiloché en échardes. Si sa rame faisait dur, sa barque était encore pire. Et ça, c'était si on pouvait appeler son radeau une barque. Elle était à moitié pourrie, imbibée par l'eau qu'elle était, et trouée par endroit. Aymee avait colmaté les brèches au fur et à mesure avec ce qui dérivait dans sa direction. Quand ça? Elle ne savait plus. Ça faisait déjà un long moment qu'elle essayait de se garder à flot.

Un grondement de tonnerre la fit sursauter. Aymee se retourna. Elle écarquilla les yeux en découvrant la tempête qui se jetait sur elle. Elle gouvernait l'entièreté de son champ visuel. Aymee n'en avait jamais vu d'aussi terrifiante. Ah, non, peut-être une fois, il y a des années...

Un nouveau grondement, craquant d'éclairs cette fois, propulsa des vagues de vents déchaînés dans sa direction. Aymee s'accrocha tant bien que mal aux bords de sa barque. Heureusement, le bois était trop pourri et mou pour lui faire des échardes. L'océan perdit sa couleur bleue pour prendre une teinte verte et grisâtre. Les remous secouaient Aymee de gauche à droite sans qu'elle ne puisse rien y faire.

Une lame de fond s'éleva soudain, haute de plusieurs mètres. Aymee n'eut même pas le temps de comprendre ce qu'il arrivait qu'elle fut assommée par la vague. Sa barque de misère éclata en mille morceaux sous les tonnes d'eau.

Aymee se recroquevilla pour ne pas être transpercée par l'un des bouts de bois projeté dans tous les sens. La puissance de l'eau l'entraînait toujours plus profondément en la faisant virevolter dans tous les sens. Aymee retint son souffle du mieux qu'elle put, en priant que la force du courant se calme.

Une fois plus stable, les yeux fermés et les lèvres serrées, Aymee tenta de déterminer par où était le haut. Elle donna des coups de pieds pour retrouver la surface. Après une infinitude, la tête d'Aymee échappa enfin à l'eau.

Elle prit une grande goulée d'air et battait des jambes pour rester à la surface. Les remous l'épuisaient et Aymee savait qu'elle n'aurait pas l'énergie de rester en surface bien longtemps. La pluie de l'ouragan et le crachin des vagues fouettaient son visage. Sa bouche, son nez, ses yeux et ses oreilles étaient envahis par l'eau de mer. Le tonnerre craquait dans ses oreilles inondées et les éclairs l'aveuglaient parfois à travers ses paupières fermées. Aymee se déplaça du mieux qu'elle put de façon à garder l'orage derrière elle. Elle était infime contre cette tempête. Jamais elle ne pourrait faire le poids.

Soudain, Aymee sentit ses orteils frôler quelque chose de solide. Après de nouveaux battements de jambe, elle frôla de nouveau une surface. C'était sablonneux et de plus en plus rapproché. Une plage?

Les yeux toujours fermés, Aymee se força à nager dans la direction de la pente. Au bout d'un moment, elle pouvait toucher le sable du plat de ses pieds. Aymee lutta pour s'extirper tant bien que mal de l'eau qui la retenait en prisonnière. C'était aussi ardu que de s'arracher à une ventouse. Enfin, elle sentit l'eau libérer ses épaules, puis son torse. Elle se traina à quatre pattes sur la berge.

Aymee toussait à n'en plus finir pour expulser l'eau de ses voies respiratoires. Ses genoux et ses paumes se faisaient écorcher par les petites roches tranchantes, mais Aymee s'en fichait : elle était enfin sur la terre ferme. D'ailleurs, elle n'entendait même plus l'ouragan. Elle ne sentait même plus l'iode de l'océan infini sur lequel elle avait dérivé dans sa barque de misère. Ce n'était pas normal. Aymee ouvrit péniblement les yeux.

Il faisait si sombre qu'Aymee se demanda un instant si elle était devenue aveugle. Elle cligna longtemps des yeux pour s'habituer à l'obscurité de ces lieux empestant le souffre et les carcasses en décomposition. Aymee comprit lentement pourquoi elle avait tant de mal à distinguer la topographie l'entourant : tout était obscur. Le soleil n'existait pas là où elle se trouvait. C'était une plage de sable volcanique noir avec ici et là des roches d'obsidienne. La seule touche de couleur était des reflets rougeoyant faiblement sur les roches environnantes.

Aymee Parker T4 - Le Gardien SecretOù les histoires vivent. Découvrez maintenant