Part 8 - Chapitre 2 : Les rites de passage (3/4)

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LA FAMILLE


« Nina ! » s'écria un garçon de cinq ans qui courait derrière la jeune femme et ses trois frères et sœurs.

« Jesse, tu es trop petit pour venir avec nous, » fit Nina alors qu'elle s'accroupit auprès de l'enfant pour le regarder droit dans les yeux. Des petits yeux marrons et curieux qui contrastaient avec sa peau sombre. « Restes avec ta maman et mamie, on revient vite, » ajouta-t-elle doucement.

Jesse fit la moue avant de rétorquer en pointant du doigt l'un de ses deux frères :

« Lucas aussi est petit. »

« Lucas est jeune, mais non, il n'est plus petit. Il est assez rapide et agile pour nous suivre, » répondit calmement Nina alors qu'elle caressa la chevelure crépue du garçon avant d'ajouter avec un léger sourire : « On doit encore te nourrir davantage pour que tu deviennes rapide et agile toi aussi. »

Les cinq jeunes gens se tenaient allongés à même le sol derrière une petite clôture d'où ils observaient trois individus qui travaillaient la petite parcelle de terrain devant leur immeuble ; trop sèche et fatiguée pour produire les fruits et légumes de leur labeur. Ces jeunes-là étaient maigres et aussi faibles que la terre qu'ils travaillaient sans relâche. Seule quelques détenues de l'intelligence artificielle s'était vite appropriée les rares parcelles disponibles pour mieux les exploiter pour eux et leur famille. Bien évidemment, ceci faisait d'eux la convoitise de beaucoup à leur propre déprimant. Mais puisque les machines avaient bien calculé et comme si la terre avait elle aussi compris le jeu de l'avarice humaine, cette dernière refusait de s'associer au jeu de ces hommes. S'il n'y en avait pas assez pour tout le monde, il n'y en aurait pas du tout pour personne.

À l'origine, l'idée de l'homme riche et tout puissant était de rendre les indésirables dépendants du système artificiel intelligent. L'endroit avait justement été choisi pour la pauvreté de son sol ; la grande majorité de la surface habitable avait été recouverte de bitume et de béton. Il n'y avait aucun point naturel d'eau : pas de lac, pas de fleuve, ou de rivière. La nourriture et l'approvisionnement d'eau devaient arriver de l'autre côté par transport routier ou par tuyaux. L'élite bien-pensante se disait vouloir soulager l'environnement. Il s'avéra qu'il souhaitait avant tout réduire l'autonomie des résidents. Il avait alors développé un transport en commun très sophistiqué à l'intérieur du camp afin de diminuer le nombre de véhicule par personne de plus des trois quarts. Se déplacer vite et loin ne serait donné qu'à une poignée. C'était bien évidemment à condition que ces derniers puissent se payer le privilège.

Nina fit un petit signe de la tête à ses camarades qui commencèrent à s'approcher tandis qu'ils restaient allongés à même le sol. Elle se posta en retrait pour les couvrir. Soudain, Lucas se dressa sur ses jambes pour révéler sa fine silhouette. Les jeunes levèrent immédiatement la tête pour le dévisager. Lucas se planta devant eux avec un grand sourire, son visage noir illuminé par de longues dents blanches.

« Est-ce que je peux vous aider ? » commença-t-il.

« On ne veut pas de toi ici, c'est notre territoire ! Vas-t'en ! » répondit sèchement l'un des trois jeunes. Son visage creux et pâle reflétait la faim dans son estomac.

« C'est comme vous voulez, mais la dernière récolte sera pour nous alors ! » s'écria la sœur de Lucas qui sortit de nulle part pour saisir le panier où se trouvaient quelques légumes.

« Espèce de ... » commença l'un des jeunes. Sa pioche lui échappa des mains avant que le frère aîné de Lucas se jetasse sur lui pour le plaquer au sol.

Lucas se lança vers les deux autres, la bouche ouverte, les yeux tout grands écarquillés comme s'il allait les dévorer vivant. Les deux individus prirent peur et ils laissèrent tomber leur ustensile à leurs pieds avant de prendre la fuite. Lorsque Lucas se redressa, sa sœur s'en allait déjà dans le lointain suivant Nina.

« On reviendra le mois prochain, » fit-il au jeune homme à ses pieds. Puis, il courut rejoindre ses compagnons.

Ils ne reviendraient pas le mois prochain, ni le mois d'après. Ils n'attaquaient jamais le même endroit à plusieurs reprises deux mois d'affilés. Cependant, la peur et la confusion de leurs proies jouant aussi à leur avantage, ils leur faisaient toujours croire à l'éventualité d'une attaque imminente pour mieux les stresser. Bien plus que son inhabilité à se défendre, le stresse de la proie la rendait faible, irrationnelle et encore plus vulnérable.

Tu SurvivrasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant