Part 5 - Chapitre 1 : L'apprentie (4/4)

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LA VITRE


La grand-mère de Nina s'arrêta nette à quelques mètres de l'immense vitrage qui donnait sur le monde de l'autre côté, là d'où ils étaient tous venus. La femme resta longuement à examiner les empreintes de mains rouges et les traces de peau et de sang restées collées à la glace comme des peintures préhistoriques. Elle ne réalisa pas tout suite que derrière le solide vitrage, un cyborg vêtu tout de blanc, les fixait de son visage poupin, pâle et inexpressif. La machine les dévisagea avant de s'éloigner comme si de rien n'était. Il leur arrivait parfois de passer voir comment se comportaient les humains. Curiosité ? Habitude ? Peu importe la raison, ils ne s'attardaient jamais. Tels des fantômes, ils disparaissaient aussi soudainement qu'ils étaient apparus.

« Beau cul pour une vieille, » fit soudain une voix masculine derrière elle.

Sans se retourner, la grand-mère de Nina serra fort la main de sa petite fille avant de se mettre à courir à toute allure entrainant cette dernière qui prit aussitôt le rythme sans broncher. Elles coururent sans s'arrêter alors qu'elles passèrent sur plusieurs kilomètres dans plusieurs rues complètement dessertes. Tout le monde restait chez eux, et ne sortait que pour aller voler de la nourriture ou des vêtements chez les autres lorsqu'il en manquait. Mais, il avait aussi ceux qui sortaient parfois pour redonner un sens à leur vie, et ceux-là constituaient un encore plus grand danger. Ils possédaient tout pourtant, du moins tout ce qui leur importaient tellement auparavant : écrans et gadgets de toute sorte. Le système intelligent leur avait laissé tout ce qu'ils avaient toujours chéri le plus avant leur arrivée au Petit paradis. Les outils, les appareils, les machines en tout genre, et tout le superflu de la société moderne et avancée ne manquaient à aucun. Mais à quoi servait aux hommes le confort et le divertissement chez eux lorsque ces derniers souffraient de faim. L'I.A. semblait jouir d'un malin plaisir à prendre les hommes à leur propre jeu, les gavant de leurs propres médicaments. Pourtant, le remède ne marchait pas pour ces derniers, ni pour eux avant ça, ni pour eux à ce moment-là.

Derrière leurs beaux immeubles et leurs jolies rues pavées, les hommes s'étaient mis à manger leurs semblables, littéralement. Les enfants y étaient passés les premiers bien entendu, suivi de ceux qui étaient trop faibles pour se défendre : les femmes, les malades, les blessés, les invalides.

Et les cadavres des morts ? Ne posez surtout pas de questions !

Au Petit paradis, tout le monde le savait, mais personne ne disait mot, ni ne s'y opposait. Une silhouette, une identité, une histoire s'évaporait du jour au lendemain sans faire de bruit, ni laisser de trace dans la discrétion la plus totale. Même au sein d'une famille, d'un groupe, ou d'un territoire, personne ne questionnait sur les soudaines disparitions. Après tout, leur tour viendrait bien à eux aussi ; le jour où la faim deviendrait bien trop pénible pour raisonner les actes les plus terribles. Puis, qui le remarquerait et qui le signalerait ? Et surtout à qui ? Tous cachés derrière leurs murs, dans le confort de leur technologie avancée et le calme présumé de leur coutume civilisée, leurs crimes importaient peu. Seuls, ils osaient enfin montrer leur vrai visage et agir leurs actions véritables ; ceux d'êtres vivants sophistiqués et sans âme en lesquels ils s'étaient transformés. 

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