Part 2 - Chapitre 1 : L'apprentie (1/4)

74 17 64
                                    


LA NOURRITURE DES HOMMES


« Tiens ça Nina et essaie de le casser ! » dit la femme d'une quarantaine d'année sur un divan alors qu'elle tendit un crayon à la fillette assise sur le tapis à ses pieds.

Cette dernière devait avoir six ou sept ans. La femme et l'enfant avaient la même peau légèrement brune et les même yeux sombres. Nina lança un grand sourire à la première avant de saisir le crayon. Elle le cassa d'un simple geste de ses doigts, puis elle tendit fièrement les deux bouts à son interlocutrice.

« Maintenant, essaie de casser ça, » reprit la quarantenaire en lui offrant cette fois-ci un bouquet de crayons de couleurs. Ces derniers étaient retenus ensemble par un élastique bleu. La fillette les saisit d'une main pour entreprendre de les briser.

« Essaie plus fort ! » insista la femme sans hausser le ton.

Nina pressa les crayons contre son ventre pour appuyer dessus de toutes ses forces tandis qu'une vilaine grimace s'esquissait sur son beau visage. Voyant que la fillette n'y parvenait toujours pas, la quarantenaire continua de l'encourager avec un sourire.

« C'est trop dur, mamie, » finit par s'exclamer la première alors qu'elle leva de petits yeux désespérés vers sa grand-mère.

« Tu vois Nina, c'est ce qui fait la force d'une meute, » lui rétorqua cette dernière. L'enfant écouta silencieuse et attentive.

« Seule, on peut être agile et intelligent, mais on reste vulnérable ; ensemble en revanche, on devient plus fort, » expliqua la femme. « Rappelle-toi toujours de ça lorsque tu chasses ou que tu te défends. N'attaque ta proie ou ton assaillant que lorsqu'il est seul, faible, ou malade. »

Elle poussa un long soupir triste avant de poursuivre en reprenant les crayons des mains de l'enfant :

« Trouve-toi une meute, sois forte et intelligente pour elle et cette dernière deviendra la tienne ; elle te suivra partout où tu iras ; avec elle tu seras incassable tout comme ce bouquet de crayons. Est-ce que tu comprends Nina ? » interrogea-t-elle, la mine sérieuse.

La fillette respira profondément comme pour inspirer ces paroles avant de se contenter d'acquiescer d'un simple hochement de la tête.

« Très bien. C'était ton repas pour aujourd'hui, maintenant vas te coucher. Demain, j'aurais peut-être des fruits ou des légumes à te donner, » s'exclama la femme alors qu'elle passa une main légère sur le visage fatigué de sa petite-fille.

Cette dernière se leva d'un bond pour aller dans sa chambre tandis que la première l'observa s'éloigner avant de se tourner vers l'écran plat devant elle comme si elle allait lui parler. Elle ne bougea plus d'un centimètre. Assise sur son large divan en cuir telle une reine sur son trône, son regard perdu dans son vaste moniteur éteint reflétait l'étendue de l'obscurité de sa peine.

Allongée sur son lit, Nina contemplait la faim dans votre ventre, les yeux levés vers l'immensité du plafond bleu de la pièce. Elle s'imaginait être allongée dehors sur l'herbe, une journée ensoleillée au ciel dégagé. Elle avait constaté qu'elle ressentait moins la faim lorsqu'elle se couchait sur le dos alors elle se mettait toujours dans cette position lorsqu'elle n'avait pas mangé depuis plusieurs jours. Elle posa ses mains sur son estomac creux pour calmer ses petits grognements. En se concentrant bien sur les mots de sa grand-mère, bientôt elle n'aurait plus faim du tout, ni même peur. Elle deviendra forte et intelligente et elle serait entourée d'une meute.

Tu SurvivrasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant