Secrets interdits

J'étais juste là.

J'étais juste là, juste ici, sous ton nez.

Ça n'a jamais suffit pour que me remarque. Peut-être étais-je trop petite pour toi ? Peut-être aurais-tu pu baisser le regard, au moins un peu, et voir à quel point le mien ne déviait jamais de toi.

Je t'ai aimé tellement fort et pourtant t'es resté aveugle et sourd durant des semaines, puis des mois, pour finir des années.

On m'a dit "Ginny, oublie-le un peu, y'a des centaines de garçons beaux et talentueux dans cette école."

Je m'en moquais tellement, moi, de ces soit-disant beaux-gosses de pacotille !

Mon amour pour toi n'était pas de ceux que l'on peut brider.

T'étais là, toi, juste là.

Tu souriais jamais. Tu cachais ton corps sous ta cape de sorcier, l'enfilant même lorsque ce n'était pas nécessaire. T'étais tellement beau, pourtant.

Tu baissais les yeux pour que les professeurs ne t'interrogent pas, toujours planqué au fond de la classe, à griffonner des notes à toute vitesse sur tes parchemins. Ne pas te faire remarquer était devenu ton mantras, semblait-il. T'étais tellement intelligent, pourtant. Tellement cultivé, curieux de tout. Je le sais, tu étais au moins aussi souvent que moi à la bibliothèque.

Tes yeux sombres ne rencontraient jamais les miens qui pourtant ne rêvaient que d'une chose, explorer cet univers que tu cachais à tout un chacun. T'explorer toi, Blaise. Ce garçon timide, taciturne, solitaire, presque muet.

Le peu de fois que j'entendais ta voix chaude et rauque, des frissons me parcouraient des pieds à la tête et je l'entendais en écho dans ma tête durant plusieurs secondes. Pourquoi ne parlais-tu jamais ?

J'étais juste là, juste ici, sous ton nez.

Ça n'a pas suffit pour que tu restes. Pour que tu t'accroches.

Tu es là cette fois, du moins ton corps. Étendu dans une posture tout sauf naturelle, au pied de la tour d'astronomie. Plus aucune vie ne l'habite. Le hurlement strident qui sort de ma cage thoracique ne s'éteint tout à fait que lorsque mes poumons sont vidés de tout l'air qu'ils contenaient.

Comment n'ai-je pas vu ?

Comment ai-je pu te laisser en arriver là ? Pourtant j'avais toujours les yeux rivés sur toi. Comment ai-je pu ne pas voir cet acte venir ?

Tu es beau. Tu étais une belle personne. Tu méritais de vivre. Pas plus ou moins qu'un autre. Mais tu le méritais. J'aurais été là pour toi. J'aurais dû voir ton mal-être. J'aurais dû, mais je me suis contentée d'assister au déroulement de ta vie comme une stupide spectatrice. Peut-être aurais-je pu empêcher ça ? Sûrement, oui. Je t'aurais écouté. Tu m'aurais fait confiance.

Ne te sentais-tu pas aimé ? J'aurais pu t'aimer pour 1 000, moi, tu sais. J'aurais pu t'aimer assez pour te redonner le goût de vivre.

Jamais je n'aurais dû simplement attendre que tu remarques ma présence. J'aurais dû. Oh, et merde. J'aurais dû ouai, c'est clair. J'ai simplement attendu, comme une idiote, dans l'ombre froide des murs de Poudlard. J'ai attendu et mon heure est passée.

Tu n'es plus là, mais moi je suis juste ici. Juste devant toi.

Et maintenant ? ...