24 - Je suis Personne

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Je ne sais pas ce qui me réveilla en premier, la douleur lancinante dans ma tête ou les rayons du soleil qui se glissaient à travers mes paupières fermées. Le sol était frais et humide contre ma joue. J'essayai d'ouvrir les yeux, mais la lumière était trop vive, trop éblouissante. Il me fallut quelques essais avant qu'ils ne s'habituent à cette blancheur éclatante, et ce n'est qu'alors que je réalisai que mes vêtements étaient collés à ma peau, mouillés et glacés par la tempête. Je frissonnai, murmurant le premier mot qui me venait à l'esprit.

Chishiya.

Non. Ce n'était pas ça. La dernière chose dont je me souvenais était la vue du dos de Chishiya alors qu'il s'éloignait de moi.

Oh... je vois.

Je traînai ma main sur le sol, cherchant quelque chose, n'importe quoi, à quoi me raccrocher. La douleur dans ma tête était insupportable, mais je devais me lever. Les pavés me coupaient la circulation sanguine dans l'épaule, les dalles solides et rugueuses contre mon corps. Aplatissant ma paume contre le sol, j'essayai de me redresser, malgré la douleur lancinante derrière mes yeux et la lourdeur dans ma poitrine.

Il me fallut plusieurs minutes avant de pouvoir me relever et m'asseoir. En plissant les yeux, je me rappelai enfin où j'étais. C'était la même rue, remplie de bars et de restaurants vides, des bouteilles de bière encore sur les tables, des chaises de bistrot rouillées par la pluie intermittente. Seulement, les murs étaient maintenant recouverts de végétation. Des lianes s'entremêlaient comme des toiles d'araignées aux fenêtres, certaines se faufilant entre les pavés, s'enroulant autour des chaises et des tables, les ancrant au sol. Et ce n'était que le début. De longues herbes émergeaient des fissures du sol, bruissant doucement dans le vent.

Depuis quand l'herbe pousse-t-elle aussi rapidement ?

J'aurais juré qu'il n'y avait ni herbe ni lianes plus tôt. Combien de temps s'était écoulé depuis le départ de Chishiya ? Je me retournai, pour me figer sur place.

C'est pas possible !

De cette rue étroite, je pouvais voir les sommets des gratte-ciel, envahis de lianes et de vert. Les panneaux de signalisation étaient presque entièrement recouverts de végétation, et à certains endroits, l'herbe était assez haute pour frôler les vitres des voitures et des camionnettes. La nature avait pris le contrôle de la ville.

Qu'est-ce qui se passe ici ?

La ville semblait avoir vieilli de dix ans, et j'avais l'impression d'avoir vieilli avec elle.

Maintenant que j'étais assise, une partie de ma force était revenue, même si mes membres étaient encore instables et que je grelottais dans mes vêtements mouillés. Avec mes deux mains appuyées sur le sol, je réussis à me lever, chancelante sous ce mouvement brusque. J'aperçus une supérette à seulement quelques mètres de là, et je me dirigeai vers elle en aggripant une toile de lianes non loin de la porte.

À l'intérieur, les étagères avaient été pillées, mais il restait quelques articles. Je cherchais quelque chose de comestible. Maintenant que la peur du jeu du Valet de Cœur s'était dissipée, mon estomac grognait de protestation et ma gorge était sèche. Après avoir mangé des biscuits pendant le jeu et des ramens à l'hôpital, je ne comprenais pas pourquoi j'avais si faim. Mais alors, j'aperçus mon reflet dans le miroir au-dessus d'un présentoir de lunettes de soleil, et je reconnus à peine le spectre creux qui s'y trouvait. Je savais que j'avais perdu du poids, ayant vu mon apparence affreuse dans le miroir du magasin de meubles. Mais là... c'était différent. Les cernes sous mes yeux étaient plus prononcées que jamais, ma peau avait pris une teinte jaunâtre et maladive, et mes joues étaient creuses comme les squelettes de mes cauchemars. Ce reflet n'était qu'une ombre de moi-même. Ou du moins de ce que j'étais.

La Rame dans le Sable [Chishiya x OC]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant