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Paris brillait autant la nuit que le jour. Mais j'étais trop nerveuse pour y faire attention.

Tout en regardant la ville défiler à travers la vitre de la voiture, je lissai la robe chic et chère que je portais. En ce moment, le nœud que j'avais dans le ventre était dû aux craintes que j'éprouvais sur ce qui m'attendait dans cette histoire et moins à celles que m'inspirait l'homme assis à côté de moi, une main possessive plaquée sur ma cuisse.

A peine quarante-huit heures avant, je me débattais pour m'en sortir, pensant avec terreur qu'il suffirait d'un seul mois sans revenus pour être à la rue. A présent, je portais une tenue et des souliers qui coûtaient trois fois mes salaires précédents, et j'allais à un gala de charité auquel seuls étaient conviés les hommes les plus riches du monde... Celle que j'avais été me semblait à des années lumière!

Après une journée pendant laquelle j'avais dû me pincer pour vérifier que je ne rêvais pas, je devais admettre que tout ça était bien réel.

- Vous avez l'air fébrile.

Ces mots prononcés d'une voix douce m'amenèrent à avaler ma salive. Incapable de lever les yeux sur mon compagnon, je fixai sa main posée sur ma cuisse et j'observai la décontraction avec laquelle son pouce épais caressait le tissu de ma robe.

- Je suis terrifiée, avouai-je.

Je ne réussis pas à en dire plus tellement mes émotions embrouillaient mes pensées et m'empêchaient de réfléchir convenablement. Jeremiah salua ma réponse d'un vague murmure, et le silence retomba. La tour Eiffel étincelait sur l'horizon ombreux, tel un signal lumineux au-dessus de la ville animée. Même ce spectacle ne put m'arracher à mes idées noires.

- Quel est l'endroit en France que vous aimeriez visiter par-dessus tout?

La question me déstabilisa. Je me tournai vers Jeremiah, dont les prunelles vertes étaient songeuses.

- Pardon?

Il montra les bâtiments devant lesquels nous passions.

- La plupart des gens veulent voir la tour Eiffel, faire la route des vins ou je ne sais quoi d'autre parmi toutes les possibilités qu'offre le pays. Et vous?

J'eus beau me dire qu'il était bizarre de me demander ça à ce moment précis, mais je n'hésitai pas.

- Les plages de Normandie.

Ce souhait me poursuivait depuis l'enfance.

- Vraiment?

Jeremiah cligna des yeux et j'eus l'impression que, pour une fois, je l'avais déconcerté. Cela me fit sourire.

- Mon arrière-grand-père était pilote de chasse dans la Royal Air Force, et mon père était passionné par la Seconde Guerre mondiale, expliquai-je. J'ai baigné dedans toute ma vie. Avec des films, des documentaires... Il faut croire que j'ai été contaminée.

- La Royal Air Force? s'enquit Jeremiah, ses beaux yeux brillants d'intérêt. Votre arrière-grand-père était-il britannique?

Je secouai la tête.

- Non, canadien. Il est mort avant ma naissance, mais mon père disait qu'il racontait des tas d'histoires.

S'il m'était douloureux d'évoquer mon père, cela avait aussi un effet cathartique étonnant. Pendant presque trois ans, j'avais évité de penser à mes parents. Mais ces souvenirs étaient agréables, et je me détendis.

- Mon père adorait regarder les reportages sur la chaîne Histoire quand on célébrant un événement militaire quelconque, repris-je. Ces jours-là, ma mère le traitait de bon à rien et de boulet, mais elle le laissait à ses émissions. Il y avait une photo de lui sur la cheminée, datant de bien avant ma naissance, où il posait près d'un des monuments commémoratifs d'Utah Beach.

tout CE QU'IL VOUDRA        l'intégraleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant