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Ma journée s'écoula dans un trouble intérieur sans pareil. Malgré tous mes efforts, je ne parvins pas à me concentrer sur mes tâches. Je fus contrainte de vérifier à deux, voire à trois reprises que je ne commettais pas d'erreur. Entrer des données dans une base n'avait rien de très excitant et n'exigeait aucune intelligence, ce qui ne m'empêcha pas de me tromper tout le temps. Mes pensées revenaient sans cesse à la scène de l'ascenseur et au premier orgasme que j'avais eu presque en public. Lorsque je me ressaisissais, je ne me souvenais plus de ce que je venais de taper.

Cela me ressemblait si peu. J'avais toujours été attirée par le sexe, mais sans trop savoir pour autant comment satisfaire mes désirs. Adolescentes sans grâce, les garçons ne m'avaient pas invitée à sortir avec eux; sorte de souris insignifiante, je n'avais pas été conviée aux fêtes lycéennes ni même universitaires. Les rares petits amis que j'avais eus, pour peu qu'on puisse les qualifier ainsi, s'étaient peu attardés dans mon lit. Mon existence actuelle était ennuyeuse et, pour l'essentiel, réglée par la nécessité: les emprunts que j'avais dû faire pour mes études ne se rembourseraient pas d'eux-mêmes, et mon installation près de NewYork me coûtait les yeux de la tête. Par ailleurs, les hommes et moi n'avions pas grand-chose en commun: ils voulaient s'éclater en boîte quand je souhaitais lire, ils se gavaient de revues sportives alors que je préférais les magazines politiques.

Sortir avec un garçon n'avait jamais été mon fort, et c'était le cadet de mes soucis à ce stade de ma vie.

J'essayai d'effacer de ma mémoire ce que s'était passé dans l'ascenseur, mais, sur le coup de midi, je n'avais plus qu'une idée en tête: récupérer mon vibromasseur... Mon comportement et la facilité avec laquelle j'avais réagi aux invites de l'inconnu me troublaient, malgré les fantasmes que j'avais eus. Il était hors de question que cela se reproduise, même si j'en mourais d'envie. Je ne pouvais perdre mon boulot, aussi monotone soit-il. Malheureusement, il était si répétitif que je n'arrêtais pas de me laisser distraire par le souvenir des lèvres douces du beau brun sur ma peau, de frissonner en me rappelant l'effet qu'avaient eu sur moi ses dents mordillant mon cou. Il émanait de ses mains une double promesse de force et de tendresse que mon corps refusait d'oublier.

La journée fut longue.

Je parvins à grand-peine à remplir mon quota de dossiers à archiver. Au moment de partir, j'envisageai de descendre à pied les quatorze étages avant de me résoudre à emprunter l'ascenseur. Bien sûr, je pris soin de vérifier qu'il était vierge de tout inconnu trop séduisant. Tandis que la plupart des gens se dirigeaient vers les taxis garés devant l'entrée du rez-de-chaussée, j'empruntai un raccourci par le garage en sous-sol. Seuls les cadres supérieurs y avaient une place réservée, ce qui n'était bien sûr pas le cas des intérimaires comme moi - encore aurait-il fallu qu'ils possèdent une voiture. Mais c'était le chemin le plus rapide pour gagner la station de métro, à deux rues de là, et personne ne m'avait signalé qu'il était interdit d'y passer.

Une fois la volée de marches dévalée, j'émergeai dans l'air frais de parking. Des crissements de pneus résonnaient dans la structure à plusieurs niveaux, mais je ne vis pas un chat dans les parages, que des rangées de voitures. La morsure du froid annonçait une chute de température dès le coucher du soleil. Me frottant les bras pour me réchauffer, je regrettai de ne pas avoir pris de gilet et j'accélérai le pas vers la sortie et la cahute du gardien. On avait beau être à la fin du printemps, ces derniers jours avaient été plus frisquets que d'habitude.

Soudain, quelqu'un me saisit le bras et me tira sur le côté. Une main fut plaquée sur ma bouche avant que j'aie eu le temps d'émettre un son. Je fus traînée dans une sorte de recoin sombre, à moitié caché du reste du garage et qui servait d'emplacement pour les motos. Je me débattis, mais l'emprise des bras était trop forte, pareille à un étau d'acier.

tout CE QU'IL VOUDRA        l'intégraleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant