chapitre IX: Wallpaper

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Rose faisait tournoyer son crayon à lèvre entre ses doigts tout en fixant le mur. Elle avait du mal à réaliser que ce soir, sa mission pourrait être terminée. Mais ce avec quoi elle avait encore plus de mal, c'était l'idée de devoir tuer Thomas. Ça la tuait en quelque sorte. Entre conscience professionnelle et conscience tout court, elle ne savait vers quoi aller. Elle devait le faire. Elle n'avait pas le choix. Et puis c'était un homme mauvais après tout, n'est-ce pas ? le croyait-elle vraiment ou se forçait-elle, à le croire ? elle-même ne le savait. Ce qu'elle savait en revanche, c'est qu'au moment où elle allait pénétrer cette salle de réception, tous les regards devaient impérativement se poser sur elle. Car personne ne suspecterait une femme trop belle pour être dotée d'autre qualité.

Et quand elle croisa son propre regard dans le miroir, elle sut, qu'elle avait devant elle la seule chose que nulle ne pourrait lui enlever. La seule chose dont elle était sûre. C'était son assurance, son arme, son pouvoir et dieu sait qu'elle savait exactement comment s'en servir.

Elle appliqua sa dernière couche de rouge à lèvre, la touche final.

Elle était vraisemblablement parfaite, irréprochable. Sa robe vert sapin qui épousait à merveille ses formes, l'onéreux collier en diamants qui rehaussait magnifiquement son teint, son fard à paupière qui faisait ressortir ses yeux et avant tout, un couteau habilement caché dans son porte-jarretelle.

*

À peine fut-elle entrée que John l'interpella.

- Joyeux anniversaire ! S'exclama Rose en lui tendant son cadeau.

- Merci beaucoup ! Wow, tu es vraiment magnifique ! Répondit John tout sourire.

- Je te remercie. Dit Rose.

La soirée battait son plein, rose n'avait pas encore vu Thomas, mais le connaissant cela ne saurait tarder.

Rose, après avoir tant dansé avec Arthur et Ada, se retira sur le balcon pour prendre l'air. Et pour une fois, elle apprécia l'air glacial anglais. Admirant la lune et les étoiles dans la nuit noire.

Et avant même eut-il prononcé le moindre mot, elle savait qu'il était là, à peine son effluve musquée, eut-elle le temps d'approcher les narines de la jeune femme.

- Bonsoir Thomas. Dit Rose dans un murmure sans même se retourner pour lui faire face.

- Vous appréciez la réception ? Interrogea Thomas, maintenant accoudé à la rambarde du balcon.

- Elle est délectable, ça va sans dire. Répondit Rose brièvement.

- Bien. Dans ce cas, que faites-vous sur le balcon ? demanda Tommy.

- Je pourrais vous poser la même question. pourquoi ne participez-vous pas à la fête que vous avez vous-même organisée et qui prend place chez vous ? interrogea Rose à son tour.

- Car elle est pour moi dénuée de tout intérêt. Répondit Thomas froidement.

- Qu'est-ce qui mérite votre intérêt, Monsieur Shelby, dans ce cas ?  S'enquit Rose.

Le silence plana pendant une minute.

- Vous devriez rentrer, vous risquez d'attraper froid. Dit l'anglais en rentrant à son tour.

Rose soupira longuement et regagna la salle de réception. 

*

Deux heures étaient passées durant lesquelles Thomas n'avait pas quitté la jeune américaine des yeux une seule seconde, ce qui avait grandement désavantagé celle-ci qui cherchait un moyen de s'éclipser discrètement. Elle devait trouver le moyen d'être seul dans l'entrée pendant au moins dix minutes. Dit comme ça, ça semble aisé, mais c'est en réalité loin de l'être. 

La salle se faisait de moins en moins pleine au fur et à mesure que la soirée avançait et c'est sur les coups de trois heures du matin qu'elle fut complètement vide. À l'exception de Rose qui était bien décidée à avoir ses dix minutes, peu importe de quelle manière.

- Dansez avec moi, Rose. Ordonna presque Thomas qui était, comme à son habitude, venu de nulle part.

Rose ne répondit pas, elle se contenta de fixer le lustre en cristal qui pendait au-dessus d'elle durant quelques secondes.  

- Pourquoi ? interrogea Rose.

-  Parce que je vous le demande. Répondit Thomas en saisissant la main de la jolie brune pour l'attirer vers lui.

Elle aurait fini par danser avec lui de toute manière, mais cette arrogance ! Elle n'en pouvait plus, comment pouvait-on être aussi imbu de sa personne ? Rose savait d'habitude parfaitement bien définir et par un seul coup d'œil dire tous les secrets et traits de caractère de son interlocuteur, mais avec lui, c'était différent. Il était bien trop compliqué, bien trop profond, car sous cette aura imposante, cette insolence et ce besoin de tout diriger et d'avoir toujours ce qu'il veut se cachait quelque chose. Mais quoi ? je suppose que nulle de si tôt ne le saura.

Alors, ils dansèrent pendant quelques minutes ou quelques heures, ni l'un ni l'autre n'aurait su le dire avec certitude. Et avant même la fin de cette danse, la tension entre ces jeunes gens brisait presque les fenêtres.

- Et maintenant ? Demanda Rose se trouvant à quelques pas de l'homme qui lui faisait face.

Et sans même y réfléchir un instant, il attrapa la nuque de Rose et pressa ses lèvres contre celles de la jeune femme.

*

Rose était allongée, fixant le lustre, souhaitant quasiment que celui-ci s'écrase directement sur sa tête. Elle poussa un profond soupire et s'extirpa des draps en soie. Elle descendit les escaliers glacials, frissonnant dès que son pied nu entra en contact avec le marbre. 

Ça y est, elle se tenait à présent seule, dans l'entrée. Alors, elle prit une grande inspiration et s'approcha petit à petit du mur qui lui faisait face. La jeune femme effleura, du bout des doigts, l'onéreux papier peint, espérant en quelque sorte et sans savoir pourquoi ne rien y trouver. Et c'est alors qu'elle pensait avoir échoué une fois de plus qu'elle sentit une légère bosse sur le mur. Elle retint sa respiration et sortit le couteau habilement caché dans son porte-jarretelle. Rose traça une fine incision, juste assez grande pour sortir de la cachette son contenu. Elle en sorti une feuille de papier relativement ancien plié en trois. Elle la déplia lentement, les larmes brouillant légèrement sa vue. Et y lu ;

"17 janvier 1916,

Washington DC, États-Unis d'Amérique 

votre majesté George V

...

Woodrow Wilson, président des États-Unis d'Amérique."

Le silence dominait la pièce glaciale. Rose avait du mal à réaliser qu'elle tenait entre ses mains la raison pour laquelle elle était venue ici, la consécration de semaines d'efforts, la fin de la première partie de sa mission. Le problème qui s'imposait maintenant était la deuxième partie. Car tuer, elle l'avait déjà fait beaucoup trop de fois, toujours sans mal, mais quelque chose lui faisait penser que le tuer, lui, serait un peu plus complexe.


A suivre...



S.P.Y : one shotOù les histoires vivent. Découvrez maintenant