Celui Qui Erre à la Recherche de la Mort

20 3 9
                                    

Cela faisait trois bons jours depuis qu'il était parti. Ses yeux rouges étaient gonflés et arboraient des cernes prononcées. Elle n'arrivait pas à se résoudre à prendre une douche ou à s'habiller, ses cheveux étaient en bataille, gras et poisseux. Elle restait toute la journée roulée en boule sur le canapé, se balançant d'avant en arrière de manière monotone. Ca aurait du être enfin fini lorsqu'il ouvrit les yeux. Son dur labeur avait porté ses fruits. Elle avait passé ses jours et ses nuits dans cette pièce secrète, après avoir entendu dire qu'il serait possible de ressusciter les morts. Jamais aurait-elle imaginé que ce serait lui qui gâcherait tout. Elle n'était même pas en colère, juste déçue, terriblement déçue. Elle pensait que leur amour valait la peine d'être sauvé... Est-ce qu'il l'aimait? Est-ce qu'elle avait fait tout cela pour rien? Si seulement elle avait laissé les choses ainsi, elle n'aurait gardé que des bons souvenirs... Mais c'était impossible pour elle à l'époque. Qu'est-ce qu'elle avait été stupide! Mais après tout, l'erreur est humaine...

Il restait distant, il l'évitait, et elle le savait. Il avait changé... Soudain, elle eut une lueur d'espoir: peut-être que son comportement était du à la guerre. Elle serra les poings et fronça les sourcils. Sûrement, tout cela faisait partie d'un état de stress post-traumatique, et dans ce cas-là, cela signifiait qu'il était souffrant. Ce qui signifiait qu'elle devait l'aider. Ses yeux éteints brillèrent à nouveau. Il n'y avait pas d'autre explication.

Elle se prépara donc à sortir. Les rideaux s'ouvrirent bruyamment. La lumière du jour entrait à nouveau dans la maison solitaire. Elle fit un pas dehors. La pluie, toujours la pluie. Etait-ce l'avertissement du destin? De petites gouttelettes de rosée coulaient le long de l'herbe courbée par le poids. Les feuilles bruissèrent lorsqu'une bouffée de vent passa. Le brouillard dansait narquoisement entre les arbres fiers. Elle inspira profondément et quitta la demeure avec un air déterminé. Le son étouffé de chacun de ses pas fermes était suivi du tintement de son bracelet, résonnant dans le profond silence des bois. Ce bracelet, c'était le premier cadeau qu'il lui avait offert, ... Etrangement, le gazouillis des oiseaux ne se faisait pas entendre ce jour-là. Elle arriva au village voisin. C'était d'habitude si joyeux, et on pouvait habituellement entendre de la musique de l'aube au crépuscule, perçant à travers ses jours lugubres. Pourtant, il n'y avait ni les rires des enfants, ni les rythmes entraînants des percussions. Presque personne, c'était comme si les habitants si joyeux étaient devenus des fantômes. Les feuilles crissèrent sous ses pieds alors qu'elle avançait lentement. Les portes claquaient et s'ouvraient brusquement en grinçant. Les banderoles qui annonçaient un festival à venir voletaient vaguement.

Chuchotements. Murmures. Des papiers froissés et roulés en boule crissant dans le vent. Un cri. Elle se dirigea vers la voix comme si elle était ensorcelée. Dans un coin d'une allée sombre, il y avait un jeune garçon qui rôdait, sanglotant et tremblotant. Il leva la tête lentement lorsque son ombre se projeta au mur. Ses yeux vides lui firent froid dans le dos. Elle ne pouvait pas détourner le regard. Il pencha la tête sur le côté, et d'un sourire désabusé, il dit d'une voix affreusement calme: "Tu es venue me tuer toi aussi?"

Un chat noir se faufila entre eux, miaula et ronronna avant de partir, sautant avec grâce.

Elle s'approcha doucement et s'accroupit à côté de lui.  Il tenait fermement un morceau de tissu. Elle lui caressa la tête pour le calmer. Il se détendit un peu et commença à bégayer avec un adorable zézaiement enfantin. Elle avait toujours voulu des enfants. Elle le berçait tout en l'écoutant. Il lui raconta qu'il avait été témoin du meurtre de sa propre mère par un démon assoiffé de sang. Il avait décidé de garder un morceau de ses vêtements tâchés de sang comme un souvenir de ce jour affreux, car il se vengerait lorsqu'il serait plus grand. Tout le monde avait pris la fuite, ou été tué. C'était un démon sous forme humaine, mais il avait des crocs et des griffes aiguisés qui déchiraient tout sur leur passage.

Néant. Le. Retour.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant