Chapitre 13 - Le Désastre de Temandil

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De vieilles légendes racontaient les histoires d'hommes et de femmes du nord qui, un jour, avaient lié leur sort à celui des loups, qui dans les temps anciens étaient nommés unävárhìlì, « Ceux qui marchent sous les étoiles » ; et que leur magie imprudente les avait condamné à errer sous leur emprise jusqu'aux confins du monde.

Ce n'était que des contes pour enseigner aux enfants la crainte des déserts et des mauvaises aventures, ou pour illustrer les périls que pouvaient représenter les secrets de moruìl ; mais Varyan repensa aux hurlements qu'il avait entendus sous le chêne pendant la tempête, et fût ainsi sûr que Fariell ne se trompait pas à propos des traces qu'elle venait de déceler dans une mare de boue.

Le soleil déclinait à l'ouest tandis qu'une lumière vespérale envahissait les feuillages. Le soir tomba, et ils trouvèrent sous une combe de mousses et de racines, protégée par un vieil ondolanier, de quoi s'abriter pour la nuit.

Une fois les ténèbres pleinement tombées sur la forêt, les chants des insectes et des animaux reprirent un cours plus intense. Partout autour d'eux, la terre crissait et grinçait, comme s'ils étaient directement installés sur une gigantesque fourmilière. Une fois le feu allumé, la nuée invisible s'évapora pour se reconstituer plus loin, à distance des lueurs ardentes, qui étrangement ne les attiraient pas.

Il était peu prudent d'allumer ainsi des braises au milieu de la forêt. La lumière comme l'odeur risquaient d'attirer des visiteurs inopportuns. À deux dizaines de mètres au-delà du campement, en direction du nord, du sud et de l'ouest, Fariell organisa de fins et longs fils de tissu. Elle y avait accroché de minuscules pièces d'argent qui, une fois déployées, cliquetaient entre elles au moindre mouvement. Ils seraient ainsi prévenus de la présence de tout maraudeur aux abords de leurs couchages.

Ils répétèrent ainsi ce cycle pendant trois jours : ils se levaient aux aurores, marchaient silencieusement tout au long de la journée, et enfin installaient leur campement à l'endroit le plus propice une fois venue la fin du jour. Chaque soir, Fariell enclenchait ses alarmes, et celles-ci n'émettaient, par chance, jamais aucun bruit.

À mesure qu'ils progressaient dans les bois, il semblait à Varyan que les créatures alentours, et particulièrement les oiseaux, étaient de moins sensibles à son pouvoir. Ils venaient toujours le saluer, perchés sur les hautes branches, mais ils restaient moins longtemps et paraissaient plus distraits. Leurs chants sonnaient plus fades et précipités. Varyan n'avait pas le coeur à y penser, bien que paradoxalement, c'était la seule chose à faire : penser. Et marcher.

De grosses racines sortaient à présent du sol et se nouaient entre elles en d'épaisses murailles, pareilles à des tentacules de bois. Les Ondolaniers, ou Arbres Lances, avaient laissé place à des spécimens plus robustes ; en particulier, une essence endémique de grumiers, plus lourds et hauts que ceux qui poussaient au nord. Leurs feuillages étaient plus opaques encore et des lianes se tissaient entre les branches proches, créant d'étranges rideaux verts et sombres.

Leurs troncs bosselés s'enfonçaient puissamment dans la terre, et à leur base gisaient de nombreuses écales vides. Les arbres produisaient un fruit appelé grumil, mais que l'on nommait plus communément la « noix maussade », dont le goût était pâteux et acide. Les compagnons en récoltèrent de nombreux encore intacts, en prévision de jours plus rudes.

Un soir, Belèn insista longuement auprès de Démir pour connaître son histoire. Le sinain était friand de ce genre de choses. Jusque-là, Démir s'était montré impénétrable. Belèn avait déjà obtenu de l'Antarie toute une journée d'explications et de récit à propos de l'histoire de son peuple, qui pour les Sinains était source de nombreuses légendes.

Le Voyage de VaryanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant