Chapitre 26 - La Charge du Taureau

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Le soleil était assez bas désormais. La visibilité des Amaïkh allait considérablement décroître pour quelques précieuses minutes, avant de devenir pleine et perçante avec la tombée de la nuit.

Les éclaireurs entamaient la seconde moitié du chemin. La troupe se maintenait dans l'immobilité la plus totale pour ne pas révéler trop tôt leurs positions. Le brasier brûlait d'une belle intensité, mais Varyan sentait qu'il avait atteint son apogée, et commençait de décliner. Il espérait qu'il disposait d'assez de combustible pour continuer sa course jusqu'à ce que les Amaïkh aient atteint la hauteur désirée.

Les cliquetis métalliques des armures de Nefer-Ora percèrent le silence de la clairière, et le halètement rauque des combattants Amaïkh était devenu perceptible jusque dans la forêt. En approchant des premiers arbres, ils ralentirent le pas, et avancèrent en formation élargie, le regard entièrement fixé sur la source de lumière incandescente qui émergeait d'entre les doumains. Ils grognaient et jacassaient dans leur langue macabre, articulant entre les phrases des jappements grossiers ressemblant aux aboiements d'un chien malade.

Seuls quelques mètres les séparaient désormais de la ligne fixée par Fariell, à partir de laquelle Démir pourrait décocher ses premières flèches. Il n'aurait que quelques secondes pour en abattre un maximum, et avait à se concentrer sur ceux de l'arrière- garde, pour éviter toute fuite en direction du camp. Varyan sentit l'Antarie se tendre à ses côtés, prêt à jaillir hors de leur cachette et fondre sur les Amaïkh engouffrés dans les sous-bois. Jamais encore il n'avait vu en sa guide un regard si féroce et déterminé : son visage avait prit les traits graves de la guerrière prête à faire rugir l'acier et couler le sang.

« Pas de pitié » se répétait Varyan pour lui-même. « Pas de pitié.. ».

Par chance, le feu brûlait encore suffisamment, émettant assez de lumière et de chaleur pour inquiéter les Amaïkh. Curieux, ils s'aventurèrent au-delà de la ligne, mais hésitèrent un moment avant de poursuivre leur progression. Leur instinct leur dictait que quelque chose ne tournait pas rond, bien qu'ils n'étaient pas assez malins pour déjouer cette diversion. Le dernier d'entre eux finit par franchir le dernier doumain, en avant de la lisière.

Soudain, un sifflement glissa dans l'air. Une flèche puissante heurta l'Amaûkh en question à l'oeil, et traversa tout son crâne pour finir la course dans l'herbe derrière lui. Le tir était si net que l'impact ne produisit qu'un bruit sourd et discret. Le guerrier s'immobilisa, mort sur le coup. Tout doucement, son corps s'affaissa sur ses genoux, jusqu'à ce qu'il s'écroule dans un choc métallique.

Le reste de l'escouade, qui n'avait pas tout à fait remarqué le trait, se retourna en hâte. Un nouveau sifflement, et une pointe abattit un autre Amaûkh, lui déchiquetant la nuque.

Le chef de tête poussa un hurlement indescriptible, comprenant immédiatement qu'ils étaient tombés dans une embuscade. Aussitôt, deux combattants de l'arrière-garde s'élancèrent en direction de la clairière et du camp, tandis que les autres tiraient bruyamment leurs épées.

Avec une habilité déconcertante, Démir faucha les deux fuyards qui s'écroulèrent avant d'avoir pu atteindre l'herbe en dehors des bois. Le commandant répéta son hurlement, assez fort pour qu'il fusse entendu par ses supérieurs demeurés au pied de Sepher.

Avec hargne il chercha dans les arbres d'où pouvaient venir les projectiles, et repéra Démir perché en hauteur, à une quinzaine de mètres devant lui. L'homme eût le temps de décocher deux nouveaux tirs ; l'un manqua sa cible de peu, l'autre percuta la chair grasse de la cuisse découverte d'un Amaûkh, qui s'effondra en vociférant.

Varyan était prêt à s'élancer pour profiter de leur inertie, mais il remarqua quelque chose d'étrange en direction du camp. Une bête sombre et ailée s'envola hors du fouillis des tentes et des étendards, aussi grosse qu'un héron mais d'un tout autre aspect. Ses membres puissants le propulsaient rapidement à la hauteur du cadran supérieur de la citadelle, et il accéléra en direction des montagnes, s'éloignant avec célérité des lieux dans la lumière couchante.

Le Voyage de VaryanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant