Chapitre 16 - Les Portes Tressées

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Les yeux de Varyan essayèrent de s'ouvrir, mais ils étaient entravés par une masse visqueuse et nauséabonde qui lui recouvrait l'intégralité du visage. Face contre terre, il respirait avec difficulté. Ses membres étaient engourdis. Une épaisse couverture de boue recouvrait la partie inférieure de son corps, et ses lèvres trempaient dans le semi-liquide.

Des souvenirs indistincts émergèrent dans son esprit : il vît le voile de la pluie et de la tempête, le tronc qui les protégeait du vent, le visage pâle et absent de Fariell et celui, terrifié, de Démir, la vague impétueuse qui se dirigeait vers eux à toute vitesse, puis l'obscurité qui vînt avec à sa suite.

Péniblement, il dégagea ses bras et chercha autour de lui un appui pour se relever. L'effort fût immense. Plusieurs fois, ses doigts glissèrent et il retombait mollement dans la boue. Enfin, il trouva assez de stabilité et se redressa sur ses genoux. Il porta la main à sa ceinture, et ressentit un soulagement intense lorsque ses doigts se refermèrent sur le pommeau de Deux-Miroirs.

Rien ne trônait, en revanche, sur son poignet gauche. Il farfouilla dans la vase autour de lui, mais en vain. Le bracelet de Gorang était perdu.

Il se releva entièrement, sur un équilibre précaire, et se tordit pour atteindre le tronc d'un arbre qui s'élevait à un mètre à sa gauche. Ses yeux cherchèrent un signe dans l'obscurité qui enveloppait la forêt. L'avalanche avait tout aplani autour de lui et la nuit se confondait avec le sol ; tout n'était plus qu'une masse noire et uniforme.

Encore sonné par le choc de la déferlante, il se demanda sur quelle distance celle- ci avait bien pu les traîner. Une douleur vorace se réveilla à l'arrière de son crâne : il avait sans doute heurté une pierre dans la chute. Il ramassa un sac visqueux qui était étendu à ses côtés, en tira une outre d'eau et s'aspergea le visage. La boue coula sur son cou et il y voyait désormais bien plus clair.

Sa bouche dégagée, il appela, sans toutefois porter la voix trop loin, ses compagnons. Un grognement proche résonna dans la nuit, et Varyan devina au timbre que Belèn gisait non loin de lui. Il pataugea du mieux qu'il pu en direction du bruit, et tomba effectivement, au sens premier du terme, sur Belèn qui était de tout son long étendu sur le dos. L'impact lui coupa le souffle mais il se releva en agrippant la paume que lui tendit Varyan.

« Anvir.. Anvir ! » furent ses premiers mots. Ses yeux cherchaient avec ardeur dans la nuit une trace de son cousin. Il était confus, mais une seule pensée occupait son esprit.

« Anvir ! » répéta-t-il, sans se soucier d'être discret à l'égard de ce qui pouvait les observer depuis les ténèbres.

Une voix faible grommela à nouveau à une dizaine de mètres en avant.

« Anvir ! J'arrive ! ».

Il se précipita dans la gadoue et chuta à de nombreuses reprises avant de finalement atteindre son cousin. Varyan les rejoignit à tâtons, et à deux, ils relevèrent Anvir de Santoba qui haletait douloureusement.

« Qu'as-tu ? lui demanda Belèn en le retenant par les épaules, le ton et les yeux inquiets.
- Rien, je crois, répondit Anvir de sa voix timide.
- Tu respires comme une vache malade ! T'es sûr de pas être blessé ?
- Ma poitrine.. dit Anvir en ramenant ses deux mains sur lui. J'ai.. j'ai heurté quelque chose ».

Son plastron de cuir était effectivement légèrement enfoncé. Il avait dû être précipité contre un tronc, lui aussi emporté par la vague.

« On verra ça dès que possible, dit Belèn. Faut retrouver les autres. Je suis si content que tu sois toujours en vie. J'ai cru un instant que le torrent t'avait emporté plus loin que je puisse te retrouver ! ».

Le Voyage de VaryanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant