Une journée et demie de marche les séparait à présent du pied de Sepher. Les montagnes avaient repiqué légèrement vers le sud et se rapprochaient d'eux à mesure qu'ils avançaient vers l'ouest, comme un bras qui se repliait autour d'un titanesque coude de pierre. Ses sommets étaient à présent bien plus hauts qu'ils ne l'étaient avant d'atteindre Sombreval. Il n'était pas possible de les apercevoir directement au-delà des feuillages denses mais l'on devinait aisément leur présence menaçante trôner quelque part au-dessus des cimes.
Ils s'arrêtèrent un moment pour profiter de la tranquillité environnante, et respirer à poumons déployés l'air frais qui descendait des montagnes. De petits talus s'élevaient ici et là parmi les doumains, certains surpassant presque le faîte ; l'ouest de Sombreval était grossièrement bosselé, et ces reliefs leur permettaient de s'orienter lors de cette dernière journée de marche, s'ils en atteignaient un suffisamment haut.
Ils en trouvèrent un qui semblait effectivement surpasser le plus haut des arbres, et s'attelèrent à le gravir en vue d'y passer la nuit. Cela leur offrirait une protection supplémentaire que de pouvoir observer les alentours, et établir l'itinéraire qu'ils jugeraient le plus sûr possible. Grimper jusqu'au terme du coteau fût une partie de plaisir, en comparaison du versant occidental de la cuve qu'ils venaient de franchir.
Le haut était plat et dégarni, parsemé d'herbes hautes et de halliers, offrant un point de vue privilégié sur le Sombreval dans son ensemble, s'étendant toujours à perte de vue. Quand ils tournèrent leur regard vers l'occident, le Sepher leur apparu à nouveau, immense au milieu de l'océan sylvestre.
Ils en distinguaient nettement les arêtes et les formes de ses surfaces intérieures gravées. Le trou béant en son centre laissait largement passer le regard vers plus loin encore, fenêtre sur un autre monde. Ses surfaces extérieures étaient claires et élimées par la pluie et les vents ; s'en suivaient des bords intérieurs larges de quelques mètres seulement, orientés vers le centre de l'édifice, tel le dessin en trois dimensions d'un gigantesque cube creux.
La citadelle semblait reposer sur un grand socle de pierre qu'il était presque possible d'observer, même à distance et malgré la densité de la végétation attenante. Les versants dentelés de Melathil venaient presque jusqu'au pied de la citadelle, et montaient en suite si haut que leurs sommets disparaissaient dans les nuages.
Varyan resta un moment émerveillé par le sublime monument qui se dressait contre les parois des montagnes, où demeuraient de vertes et profondes vallées, s'enfonçant en gorges et cavernes vers les entrailles de la cordillère. Jamais, dans sa vie d'avant, il n'aurait imaginé se retrouver un jour face à pareil vestige du passé, ni contempler la magnificence de l'architecture des Antaris de Nycte, dont il ne connaissait rien.
Il remarqua soudain une étrange fumée qui s'élevait à proximité de la base du monument. Ce devait-être de la brume qui s'échappait d'un plan d'eau à proximité, pensa- t-il, et n'y prêta pas plus attention ; son esprit se tourna entièrement vers l'objectif d'atteindre enfin les portes de la citadelle, et d'en finir avec le Sombreval qui avait achevé de les épuiser.
Fariell prit le premier tour de garde, et tous s'endormirent en pensant à la dernière ligne droite qui les attendait le lendemain matin. L'Antarie resta seule et inquiète face aux panaches qui s'élevaient silencieusement au-delà de la forêt.
L'aube vînt rapidement les réveiller, et ils étaient groguis par le vent qui avait soufflé toute la nuit, descendant des sommets de Melathil. La fatigue affleurait cruellement sur les visages sales et brunis, dont les traits étaient tirés et les yeux vitreux.
Sepher s'éveillait lui aussi dans les ombres intermédiaires, et le soleil naissant à l'est lui donnait de magnifiques reflets bleus en son sommet et sur ses côtes, pareil à un saphir qui n'aurait pas encore été travaillé. Les arêtes de l'immense cadre de pierre déchiraient le ciel et les flancs des montagnes. Une brume épaisse s'étendait lascivement sur les bois qui séparaient la compagnie de leur objectif, trônant au-dessus de la canopée comme pour en voiler ce qui vivait en dessous.
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Le Voyage de Varyan
Phiêu lưuLe marché de Grandplace est agité de rumeurs inquiétantes. Des Amaïkh rôderaient dans les landes des Efferen. L'Ordonnatrice Merlyn y aurait disparu. Le royaume voisin s'enfoncerait dans la folie de son roi, Alcimore, progressant un peu plus vers un...