Oliver et moi avons grandi comme un frère et une sœur. Les premières années, nous partagions absolument tout : les jouets, les biberons, les berceaux...
Notre maison, c'est ce petit carrefour entre la boulangerie et la librairie. Je m'y sens chez moi et j'adore ça.
Je n'ai jamais manqué de rien. Je n'ai pas de maman, pas de papa et pourtant, je n'aurais pas pu être plus heureuse que je ne le suis ici.
Pendant les premières années notre vie nous nous considérions, Oliver et moi, comme une seule et même personne. Quand il dort, je dors. Quand je ris, il rit aussi. Quand l'un pleure, l'autre le fait aussi même si tout va bien.
Parfois, c'est Gaspard qui nous garde entre les rayons de sa librairie. Il nous donne des livres avec lesquels nous jouons bien que nous ne savons pas lire. Nous nous contentons de baver abondamment dessus en riant aux éclats. Et parfois, c'est dans la boulangerie des Barbey que nous allons où les odeurs de pain chaud et de viennoiseries rythment nos journées.
Plus les mois passent, plus Oliver ressemble à son père. Ses cheveux sont auburn, presque roux foncé et, chaque jour, une nouvelle tache de rousseur apparaît sur son nez. Ses yeux noisettes eux, sont déjà très vifs et expressifs pour son âge.
Oliver commence à parler bien avant moi et, une fois qu'il a commencé, il lui a été impossible de s'arrêter. Ses paroles ressemblent plus à des balbutiements qu'à des mots et certaines syllabes lui échappent. Assez rapidement, il me rebaptise « Lu » au lieu de Lucie.
Ce surnom est resté. Tout le monde m'appelle Lu, aujourd'hui. Avec le temps, j'ai commencé à détester mon prénom simplement parce que c'était la seule chose que ma mère m'a réellement laissée. Lu, ça me va amplement.
Mon premier mot à moi, c'était « papa ». C'est à Gaspard que je l'adresse.
Je suis dans notre parc d'enfant avec Oliver. La boutique vient à peine de fermer ses portes et, quand Gaspard passe devant nous pour fermer sa caisse, je l'appelle :
« Papa ? »
Gaspard se fige. Il n'avait pas pensé que ce moment arriverait maintenant. Il pensait avoir au moins quelques années devant lui avant d'avoir avec moi la grande conversation sur mes parents. Lentement, il se retourne vers moi, une lueur spéciale dans le regard :
« Tu as dit quelque chose, Lu ? Demande t'il d'une voix douce.
- Papa ! Ai-je répété en souriant.
Gaspard s'est alors accroupi devant moi, le visage emplit de tristesse :
- Je ne suis pas ton Papa, Lu...
- Pas Papa ?
Comment expliquer à une enfant d'à peine un an qu'elle n'a pas de parent ? Gaspard ne veut pas prendre la place de qui que ce soit.
- Lu, je ne suis pas ton papa... Je suis ta famille, mais je ne suis pas ton papa...
- Papy !! Intervint joyeusement Oliver.
- Oui, voilà ! Je suis ton papy, Lu.
- Papy, papy ! Renchérit Oliver. »
Gaspard esquisse un sourire tandis que je commence à rire en regardant Oliver.
Ça, c'est ma famille. Oliver et Gaspard, c'est tout ce qu'il me faut.
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Citron & Chicorée
RomanceJ'avais douze ans lorsque j'ai su que j'étais amoureuse d'Oliver. En réalité, je crois que cela remonte à bien plus longtemps que cela mais il y a des choses que l'enfance nous empêche de ressentir pleinement. Lui et moi avons partagé un coin de rue...