Le premier garçon avec qui j'ai couché après Oliver s'appelait Alex. Il était sympa, très sympa même, mais ça n'était pas ça qui m'intéressait chez lui. Je voulais juste oublier.
C'était le premier. Le premier d'une longue liste, je dois l'admettre. Oliver s'est marié il y a presque un an maintenant et j'imagine qu'il coule des jours heureux, désormais.
Oublier.
C'était ma seule option.
Le type que j'ai rencontré hier soir s'appelle Audric. Ou Cédric, peut-être. Et ce matin, il tarde à se lever pour partir. Tandis que je me rhabille, j'avise les travaux que je compte avancer aujourd'hui. Ses derniers mois, j'ai pas mal avancé et il ne me reste que les papiers peints à décoller pour repeindre les murs. Je suis censée recevoir quelques étagères dans la semaine et il faut que les murs soient finis avant ça.
Parce que oui, j'ai pratiquement emménagé dans la librairie maintenant. Je ne ramène jamais les hommes que je rencontre chez moi, c'est quelque chose que je ne m'autoriserais plus jamais.
Cédric peine à se réveiller. Je vais devoir l'aider un peu.
« Bon, je suis navrée mais il va falloir que tu y ailles.
Monsieur se grommelle en se retournant. Décidément, il est dur d'oreille. Je fais le tour de la pièce en ramassant ses affaires avant de les lancer sur lui.
- Maintenant.
Il finit par ouvrir les yeux, interloqué et visiblement vexé d'être tiré du sommeil de la sorte. Je l'entends marmonner dans sa barbe tandis qu'il se rhabille. Il ne doit sans doute pas apprécier de se faire jeter dehors mais tant pis. Paris est grand, il oubliera vite. Je l'escorte sur le pas de la porte tandis qu'il reboutonne sa chemise.
- Attends ! Ton détecteur de fumée n'arrête pas de sonner, tu veux que je regarde ?
Je pousse un profond soupir. Depuis plusieurs jours, mon détecteur de fumée fait des siennes en faisant retentir des « bips » à intervalles réguliers. Il faudra que je pense à m'en occuper avant l'ouverture mais là, son prétexte est ridicule. Je prends mon escabeau avant de monter dessus puis je décroche le détecteur avant de l'éteindre.
- Voilà, problème réglé. Tu peux y aller, maintenant.
- Attends, je...
- Écoute Cédric : c'était vraiment sympa, toi et moi, mais on va s'arrêter là. Ce n'est pas contre toi, tu sais.
Il hausse un sourcil tandis que j'ouvre la porte pour le laisser passer. Au même moment, Emma apparaît sur le pas de la porte avec une poche de viennoiseries dans les bras. Elle se décale pour laisser Cédric sortir et ce dernier me lance :
- Je m'appelle Loïc, pas Cédric.
- Ravie, dis-je d'un ton blasé.
Emma pouffe de rire. Ça a trop duré. Je pousse légèrement Cédric (ou Loïc, qu'importe) avant de prendre Emma par le bras pour l'entraîner à l'intérieur avant de claquer la porte.
- Lucie Fleuret, tu m'étonneras toujours ! S'exclame Emma.
Elle s'esclaffe et je me jette sur les viennoiseries. Ce « ballet incessant de mâle » comme elle aime l'appeler l'amuse beaucoup. Je suis restée tellement d'années bloquée sur Oliver que le fait que je me permette d'autres aventures la rassure.
Comme pour mes partenaires sexuelles, j'ai également augmenté mon nombre de séances de boxe avec Maxime. Même si je ne lui ai jamais parlé de l'épisode du mariage, je sais qu'au fond il sait. Depuis ce jour, mes coups sont beaucoup plus durs, plus tendus et avec le temps, je me suis endurcie. Maintenant, je ne laisse plus rien m'atteindre, pas tant que cette douleur vive brûle à l'intérieur de ma poitrine.
- Alors, ce tableau ? Ils t'ont retenue, finalement ? Demandai-je à Emma.
- C'est plus dur que ce que je pensais. Première danseuse, c'est quelque chose. Je ne sais pas si j'en suis capable...
- Bien sûr que tu l'es, Emma.
Maintenant, j'arrive à parler de danse avec elle. Après tout, cela fait partie de sa vie comme cela a fait partie de la mienne. En fait, c'était toute ma vie.
Son téléphone vibre et elle le sort rapidement de sa poche. D'un seul coup, un sourire se dessine sur son visage et elle reste rêveuse en tapant une réponse avec ses doigts. Je pose mes deux doigts sur mes tempes et murmure :
- Laisse-moi deviner. Il est grand, musclé, blonds et porte incroyablement bien l'uniforme des pompiers. Il est caporal, peut-être ?
- Tu te crois drôle ? Me lance-t-elle en éclatant de rire. Il est lieutenant, tu le sais très bien.
- Ah oui, c'est vrai ! Je suis si bête.
Emma et Anthony. Drôle d'histoire, ses deux-là. Quand il m'a ramené du mariage d'Oliver il y a un an, il est resté près de moi pendant des jours. Je tentais de garder la face en refusant de m'effondrer et je me suis battue corps et âme pour ne plus y penser.
Jamais plus nous n'avons prononcé son prénom. C'était terminé.
Pendant tout ce temps, Emma était également à mes côtés. Quand Anthony a dû partir chez lui, j'ai senti comme une atmosphère bizarre entre Emma et lui. Quelque chose de particulier.
Et puis j'ai compris. Ils se manquaient, tout simplement.
Et voilà où ils en sont aujourd'hui. Des centaines de messages enflammés par jour et des heures au téléphone avant de s'endormir. Un an à se tourner autour ainsi, il y a de quoi me donner des migraines.
- Alors, ça avance vous deux ?
- Il n'y a pas de nous deux, Lucie. Je te l'ai déjà dit...
Et elle semble réellement souffrir de ça.
- Emma, tu ne devrais pas t'empêcher de vivre une histoire cool pour quelques kilomètres...
- Quelques centaines de kilomètres, tu veux dire !
- Emma !
- Je ne veux pas en entendre parler, Lucie !
D'un seul coup, son ton s'est fait sec. Je vois comme un éclat de douleur dans ses yeux et je la comprends terriblement. Je sais ce que c'est de ne pas pouvoir être avec la personne qu'on aime.
Emma respire un bon coup avant de taper dans ses mains de manière enjouée.
- Bon ! Cessons de nous plaindre. Nous devons nous concentrer pour ce soir ! S'exclame-t-elle.
- Ce soir ?
- Ne me dis pas que tu as oublié l'anniversaire de Dan ? On est invité depuis des semaines !
Dan ? Qui est Dan ?
- Non non, bien sûr que non ! »
Quelle idiote je suis.
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Citron & Chicorée
RomanceJ'avais douze ans lorsque j'ai su que j'étais amoureuse d'Oliver. En réalité, je crois que cela remonte à bien plus longtemps que cela mais il y a des choses que l'enfance nous empêche de ressentir pleinement. Lui et moi avons partagé un coin de rue...