« À partir de quand êtes-vous disponible ? Demande Gaspard. »
- Tout de suite, évidemment ! Réponds rapidement la femme en face de lui. Je suis très enthousiaste à l'idée de travailler avec vous ! »
Elle est âgée d'une petite quarantaine d'année et semble très propre sur elle. Elle m'intrigue énormément avec son tailleur bleu marine, ses lunettes sur le bout de son nez et son chignon impeccablement dressé sur le haut de sa tête. Il semble si serré que je me demande si cela ne lui fait pas mal. Les chignons que je me fais lorsque je danse ne sont pas aussi parfait mais quand ça tire trop, c'est douloureux.
Pour Noël, Gaspard m'a acheté un tutu de danse. C'est sans doute parce que je passe mon temps à regarder des cassettes des vieux ballets sur le magnétoscope du salon mais en tout cas, il a tapé juste ! Maintenant, je passe mon temps à déambuler de part et d'autre de la librairie en faisant des entrechats. Papy m'a même inscrite à un cours de danse classique pour que je sois une vraie ballerine, je commence la semaine prochaine !
La dame à qui Papy parle depuis une demi-heure n'arrête pas de me regarder du coin de l'œil. Je fais comme si je ne voyais rien. Peut-être qu'elle me regarde parce qu'elle trouve que je ne danse pas bien ?
« Anika, vous n'avez pas à me dire les phrases que j'ai envie d'entendre...
Quelque peu décontenancée, Anika commence à se trémousser sur son siège en tirant nerveusement sur ses doigts. Visiblement, elle est mal à l'aise.
- Comment ça ? Balbutie-t-elle.
Gaspard pousse un profond soupir avant de me couver du regard d'un air attendri. Je m'arrête alors de danser en rougissant.
- Lu, tu veux bien nous laisser quelques minutes ?
Voyant que je ne bouge pas, Gaspard se lève et va prendre un livre au hasard sur une étagère avant de me le tendre.
- Tiens, me murmure-t-il. Va jouer ! »
Je lui prends alors le livre des mains avec un air malicieux sur le visage et je me mets à courir vers mon placard.
Mon placard. J'adore cet endroit.
Le terme peut effrayer mais c'est un petit coin dans lequel j'ai l'habitude de me cacher pour pouvoir rester avec Papy pendant les heures d'ouvertures de la librairie. Quand il a découvert ma cachette, il a décidé de l'aménager spécialement pour moi afin d'en faire un endroit spécial, comme une sorte de petit cocon. Ainsi, il m'y a installé un matelas couvrant tout le sol de ce placard ainsi que plusieurs coussins moelleux. Une guirlande lumineuse pleine d'ampoules tout droit sorti du carton des décorations de Noël en orne le plafond.
C'est mon endroit préféré au monde, mon coin à moi. Parfois, j'y viens avec Oliver.
J'ouvre la porte de mon placard et m'allonge sur le matelas mou. Je tends les jambes en posant mon énorme livre dessus pour le feuilleter. Je n'arrive pas à en déchiffrer les symboles mais je fais comme Papy : lui aussi, il feuillette toujours un livre. Un jour, je sais que les lettres auront un sens pour moi.
D'une oreille distraite, j'écoute la conversation de Papy et Anika :
« Écoutez Anika... Vous n'avez pas à me dire ce que vous pensez que je veux entendre. J'ai besoin de déterminer si vous êtes fiable, si je peux compter sur vous. Ce n'est sans doute qu'un emploi de vendeuse à vos yeux mais j'ai réellement besoin d'aide. Je suis chargé d'âme et j'ai besoin de me dégager du temps. Lu a besoin de moi et la librairie m'accapare beaucoup trop...
Papy fait une pause et il pousse un profond soupir avant de reprendre :
- Vous êtes restée institutrice pendant plus de dix ans et, subitement, vous changez de voie. Je sais que je n'ai aucun droit de vous demander pourquoi mais je me dois de le faire. Ce n'est pas pour vous juger, j'ai juste besoin de savoir si je peux compter sur vous...
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Citron & Chicorée
RomanceJ'avais douze ans lorsque j'ai su que j'étais amoureuse d'Oliver. En réalité, je crois que cela remonte à bien plus longtemps que cela mais il y a des choses que l'enfance nous empêche de ressentir pleinement. Lui et moi avons partagé un coin de rue...