Rien que des cicatrices.

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Les choses n'ont plus la même apparence. Elles paraissent désormais, avec une netteté effrayante, différentes. Loin est le temps où ton absence avait la teneur d'un poison mortel circulant avec mon sang, où la distance mesurait la profondeur d'un large gouffre qui se creusait en moi-même et dans lequel je risquais chaque jour de tomber, où notre rupture avait l'intensité d'une douleur vive, pénétrante, lancinante, d'une douleur qui me donnait envie de m'arracher le coeur de ma poitrine avec les ongles.

Les choses n'ont plus la même apparence. Avec le temps, le poison a pris la douceur de l'eau, le gouffre s'est rétréci et l'intensité de la douleur s'est amoindrie. Aujourd'hui, je guéris. Je sens que les bords de ma blessure se referment, que les coutures de ma plaie se cicatrisent, que le tissu blanchit. Tu n'es plus là, et le monde n'est plus fade, et le temps n'est plus long, et les jours ne sont plus douloureux. Je guéris. J'ai appris à revenir à moi-même. Ce n'est plus toi et moi. C'est moi. Uniquement moi et la vie. Ma vie dont je suis l'unique responsable. J'ai choisi de vivre. Avec ou sans toi, je vivrais. Parce que le ciel est bleu, que l'air remplit mes poumons et que mes rêves débordent. Je vivrais parce que je vis. Je vivrais jusqu'à ma mort. Pas avant.

Je croyais avoir été empoisonnée, je croyais que tu serais mon remède. Je croyais tomber dans un gouffre, je croyais que tu le comblerais. Je croyais connaître une douleur insurmontable, je croyais que tu me guérirais. J'avais tort. Tu es parti, et j'ai bu mon remède. Tu es parti, et j'ai comblé ce gouffre. Tu es parti, et je me suis guéri. J'ai été mon remède et mon propre médecin. Les blessures se sont refermées : ne reste rien ! Rien que des cicatrices. Des cicatrices et le souvenir que de ce qui les a causées. 

Cœur briséOù les histoires vivent. Découvrez maintenant