Chapitre 1 - 3

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– Respire, Jeanne...

La jeune femme grimaça en plongeant son regard noisette dans celui de Mathilde. Dans son dos, les doigts de Tristan la massaient doucement pour tenter de lui faire reprendre pied.

– Ça va passer, continua son amie, c'est normal que tout cela te chamboule.

Les larmes montèrent sans prévenir.

– Je suis désolée, hoqueta Jeanne.

– T'inquiète pas, renchérit Tristan, on est là pour toi.

Prostrée au pied du canapé d'angle du salon, les bras enroulés autour des genoux, Jeanne subissait une énième crise d'angoisse. C'était un miracle qu'elle n'ait pas craqué plus tôt, alors qu'elle les pensait perdus au cœur d'une immense forêt. Était-ce l'impression d'être enfin en sécurité qui avait déclenché une forme de malheureux lâcher prise ? C'était possible. Elle s'en était aperçue dès qu'elle avait mis les pieds dans la maison : de désagréables picotements lui avaient saisi la nuque, dressant ses cheveux courts et noirs sur son crâne. Elle s'était forcée à ignorer ces premiers symptômes, respirant profondément, par le ventre, comme elle avait appris à le faire depuis l'adolescence. Mais l'atmosphère jaune et sombre de la demeure, et la présence de pièces fermées, avaient fini par rompre les digues de sa volonté. Une vague gelée s'était ruée dans ses veines, l'obligeant à se recroqueviller sur le sol, tel un fœtus, et sa respiration était devenue difficile. Des scénarios tournaient en boucle dans sa tête, images impossibles et effroyables de la mort qui les attendait sans doute, de ses parents désespérés de n'avoir jamais retrouvé son corps, de son chien Brice hurlant à la mort dans sa chambre d'enfant qui...

– Allez, redresse-toi un peu...

La voix de Mathilde la ramena une fois de plus à la réalité.

– Viens t'asseoir entre nous pour un super câlin, la poussa tendrement Tristan.

Elle se laissa faire, dénouant la prison de ses bras pour laisser ses amis l'aider à se relever. Tout son corps tremblait, comme si elle venait de subir un choc d'une rare violence. Pourtant, il ne s'était rien passé.

Il ne s'est rien passé. Tout va bien. Il ne se passera rien, se répétait Jeanne en boucle.

Les bras de sa meilleure amie se refermèrent autour d'elle, vite rejoints par ceux de Tristan.

– Tout va bien, murmura-t-il. Je prends soin de toi, ne t'inquiète pas.

La voix posée du jeune homme mit fin à la crise et Jeanne réussit à prendre une inspiration correcte.

– Et moi, je te protégerai toute ma vie, lui assura Mathilde.

Jeanne essuya ses dernières larmes d'un revers de manche et attrapa les avant-bras de ses amis pour leur montrer combien leur présence la réconfortait.

– Merci.

Elle ne pourrait rien articuler de plus pour le moment, mais elle sentait refluer la pression dans sa poitrine. Elle avait beaucoup de chance d'avoir des personnes aussi formidables à ses côtés. Elle releva la tête quand Tyler apparut dans l'encadrement de la porte du salon, un morceau de pain à la main.

– Ch'ai trouvé du pain un peu rachi dans un chac !

Jeanne ne put s'empêcher de lâcher un petit rire tandis que Tristan soupirait :

– Quand je dis que tu ne penses qu'à bouffer !

– Je crois qu'il est temps pour nous de nous coucher, coupa court Mathilde. Visiblement, personne ne rentrera ce soir. Il fait nuit, on a mangé le poulet, on va pouvoir prendre une douche et dormir.

Le baiser des ténèbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant