Chapitre 2 - 3

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– Mais c'est quoi toutes ces horreurs ? chuchota Jeanne en passant entre les meubles encombrés d'objets.

La jeune femme, les mains jointes devant sa poitrine pour être certaine de ne toucher à rien et les yeux exorbités, était entrée en dernier dans la nouvelle pièce. Et malgré les avertissements de ses amis déjà présents, elle ne parvenait pas à contrôler des hoquets de surprise à chaque fois que son regard se posait sur un nouvel objet. Comme cette corde dont le nœud coulant pendait en travers d'un tiroir à demi-ouvert.

– Vous croyez qu'elle a servi ? glapit-elle.

– Va savoir, se moqua Tyler... Peut-être que ça aussi, d'ailleurs...

Il tenait à la main une large ceinture en cuir où de petits flacons colorés avaient trouvé leur place dans de délicats emplacements. Il en tira un et découvrit une tête de mort dessinée sur l'étiquette.

– C'est super cliché, rit-il en reposant le tout sur une étagère.

– N'empêche, le bébé, c'est dégueulasse...

– Tristan, c'est pas un bébé, c'est un fœtus. Et t'as bien vu la plaque en cuivre : ça a été fait pour un musée.

– Un musée des horreurs, frémit Jeanne.

– De la sauge...

– De quoi, Mathilde ? demanda Tristan.

La jeune femme se tourna vers lui, un bouquet d'herbes séchées à la main.

– De la sauge. On s'en sert pour purifier des lieux ou des objets.

– Attention, ton côté Charmed refait surface, Mathou ! ricana Tyler.

La jeune femme lui lança un regard noir avant de reposer les herbes à côté d'un mortier équipé d'un pilon en pierre lisse et noire. Ses doigts glissèrent sur l'objet froid et fascinant : combien de potions avaient été concoctées en son sein ? D'où provenait cet objet ? Appartenait-il aux propriétaires des lieux ?

– Décidément, l'anatomie est son dada ! lança Tyler qui avait fini de faire le tour de la pièce.

Mathilde s'obligea à le rejoindre en ignorant tous les trésors qu'elle avait sous les yeux. Si pour les autres les chapelets, les journaux jaunis par le temps et les animaux empaillés ne faisaient qu'ajouter au malaise qu'elle sentait régner dans la demeure, pour elle ces objets reflétaient autre chose, comme si une âme y était intimement liée. Elle l'avait sentie au bout des doigts lorsqu'elle avait touché le mortier, un frisson discret mais bien trop persistant pour qu'il soit anodin. Cette maison était habitée, et pas que par de mystérieux propriétaires.

– J'en ai déjà vus en vrai, lâcha Tristan aux côtés de Tyler.

– En vrai ? Comment ça ?

– Au musée, des vrais écorchés. J'aurais bien dit « en chair et en os », mais plus vraiment du coup.

– Là, pour le coup, c'est vraiment crade... accorda Tyler, les yeux rivés sur les planches d'anatomie fixés au mur avec des punaises métalliques.

– Mais qui peut collectionner des trucs pareils, demanda Jeanne qui venait de terminer le tour de la pièce elle aussi.

– Je ne sais pas, mais j'imagine un vieux mec rabougri qui se prend pour un Indiana Jones sur le retour.

– Tyler, mon chéri, t'as des ref de vieux...

– T'as mieux peut-être ?

– Non, concéda Tristan en haussant les épaules avant de sortir de la pièce.

Tandis que tous les jeunes sortaient de la pièce, Mathilde resta un instant interdite devant l'imposante cheminée qui trônait sur le mur de gauche. Deux larges fauteuils en cuir avaient été disposés devant, comme si la pièce était un boudoir... Qui pouvait bien avoir envie de passer du temps entre des flacons de poison, une pie figée en plein envol et de vieux pistolets hors d'âge ?

Cependant, poussée par la curiosité, la jeune femme se rapprocha un peu de l'étroite table basse glissée entre les deux fauteuils. Elle prit le vieux journal posé dessus, le plaça sur l'un des accoudoirs, et se mordit les lèvres d'excitation : là, juste sous ses yeux, un magnifique ouija aux bords irréguliers semblait n'attendre qu'elle...



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Le baiser des ténèbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant