Chapitre 1-2

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– Y'a quelqu'un ?

La voix de Tyler se perdit dans un long couloir sombre. Personne ne répondit. Derrière lui, le tonnerre gronda de nouveau, comme pour les inciter à se mettre à l'abri. Jeanne frissonna et Mathilde poussa légèrement Tyler, juste devant elle.

– Ben entre, maintenant !

Le jeune homme mit un pied dans la maison, tâtonna sur sa droite à la recherche d'un interrupteur. Il abaissa un petit levier et une lumière jaune révéla un couloir d'une dizaine de mètres et cinq portes closes. La pluie redoubla de violence sur les épaules du groupe qui pénétra dans la demeure. Agglutinés les uns contre les autres, ruisselants sur un parquet hors d'âge, aucun d'entre eux n'osait bouger. Chez qui étaient-ils arrivés ? Qui pouvait avoir construit une maison en plein milieu de la forêt du Tongass ? À moins qu'ils ne soient plus proches de la côte qu'ils ne le pensaient ? Tyler fut le premier à se ressaisir, ôtant son poncho dégoulinant de pluie tout en essuyant ses chaussures de randonnée sur le paillasson rugueux.

– Bon, ben au moins cette nuit, on sera à l'abri !

– Y'a pas de poussière, nota Jeanne. Y'a forcément quelqu'un qui habite ici... et si c'était un fou furieux ?

– Allons, p'tite sœur, commence pas à tout voir en noir ! la rassura Tristan.

Jeanne lui offrit un courageux sourire avant qu'il ne pousse la porte sur sa gauche et éclaire une petite pièce.

– Ah ! Un vestiaire ! On peut mettre nos fringues ici pour pas salir toute la baraque.

Chacun s'exécuta à son tour. Seule Mathilde mit un peu de temps à réagir. Quelque chose clochait, mais quoi ? Son instinct lui disait de ne pas rester ici, mais elle ne comprenait pas pourquoi. Pourtant, un désagréable frisson la saisit lorsqu'elle se débarrassa de son poncho, et il n'avait rien à voir avec le froid qui régnait.

Toutefois, elle n'eut pas le temps de réfléchir davantage car le groupe s'engageait déjà à la découverte du lieu.

– Oh, là, un salon ! s'exclama Tyler qui venait d'ouvrir la porte de droite.

– Cool, on va pouvoir se poser tranquillou...

– Et faire un câlin ?

L'œillade de Tyler était explicite et Tristan lui colla son poing dans l'épaule en le dépassant.

– Un peu de tenue, vieux pervers, on n'est pas seuls.

– Et moi, j'aimerais ne pas voir ce que j'ai pu entendre certaines nuits en provenance de votre tente... fit Jeanne.

Le groupe rit, laissant la pression les quitter. Certes, ils n'avaient toujours pas de moyens de communication et ignoraient où ils étaient, mais le lieu paraissait sûr. Et le propriétaire, quand il reviendrait, pourrait sans doute les aider à se sortir du pétrin.

Mathilde avança le long du couloir, en restant derrière les autres. Sa main glissait le long des murs rugueux dont la peinture s'écaillait dans les angles. Quel âge avait cette maison ? Elle eut l'impression qu'elle avait été construite au début du siècle dernier, mais que son histoire remontait bien plus loin.

– Dis, Jeanne, tu crois qu'elle est vieille cette maison ?

Son amie d'enfance se retourna, le front plissé. Elle rajusta mécaniquement ses lunettes rectangulaires sur son nez.

– Heu... faudrait que je puisse voir l'extérieur en plein jour, mais vu le couloir, le parquet, et la disposition des premières pièces, je dirais qu'elle date des années '50.

Moins vieille que ce que je pensais, se dit Mathilde.

– Ah ! s'exclama Tyler qui venait de pousser la porte de gauche. Bonne nouvelle, les filles : ce soir, on ne vous dérangera pas, y'a une chambre là !

Le baiser des ténèbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant