𝘁𝗿𝗮𝗽𝗽𝗲𝗱 | 𝗁𝖾𝖾𝗌𝗎𝗇

𝟭𝟬

Les secondes s'écoulaient comme des minutes, les minutes comme des heures, les heures comme des jours, jusqu'à ce que les jours s'étirent en semaines. Deux semaines s'étaient déjà écoulées depuis son arrivée, et pourtant, Sunwoo n'était pas parvenu à faire le moindre progrès. Ses capacités stagnaient, semblables à l'eau d'un étang trouble, lourdement chargée des mêmes impuretés qui envahissaient ses pensées. Car oui, Sunwoo perdait pied, son esprit s'enlisant dans une folie qui ne faisait que croître à chaque instant.

Depuis leur affrontement, Sunwoo n'avait croisé Ethan que brièvement. D'abord, cette distance lui avait semblé être une bénédiction, convaincu que moins il le verrait, moins la tentation le hanterait. Mais cette tentation, bien qu'éloignée, restait vive, implacable, refusant de faiblir d'un seul iota. Le lendemain, comme convenu, il était retourné dans le bureau d'Ethan, armé de sa croix comme un rempart contre ses propres désirs. À sa plus grande surprise, Ethan l'avait accueilli avec une indifférence glaciale, comme si leurs mots échangés la veille n'avaient jamais existé. Derrière son bureau, ses longues jambes croisées et ses bras musclés visibles sous sa chemise parfaitement repassée, il projetait une image impeccablement professionnelle. Lunettes sur le nez, la cigarette au bec, Ethan n'avait pas daigné lui accorder ni un seul regard, ni un mot taquin, comme s'il ne l'avait jamais percé à jour, comme si cette tension entre eux n'était qu'une invention de l'esprit torturé de Sunwoo.

Ethan ne lui avait laissé aucune prise, rien pour alimenter les flammes de ses fantasmes, pas la moindre attention pour nourrir son obsession grandissante. D'abord, cette indifférence avait éveillé en lui une frustration lancinante, le poussant presque à croire qu'il avait tout inventé. Peut-être, après tout, que ça n'avait été qu'un rêve fiévreux, un mirage de l'esprit forgé après sa conversation avec Ni-ki, où il s'était bel et bien endormi dans le lit de ce dernier. Cependant, c'était au petit matin lorsqu'il ressenti la douleur de ses courbatures suite à son entraînement, qu'il s'était rendu compte que tout avait bien été réel. Ethan l'avait bel et bien poussé dans ses derniers retranchements, lui susurrant de s'abandonner à tous ses fantasmes, de tout laisser entre ses mains.

Toute cette situation lui paraissait presque risible, surtout lorsqu'il repensait aux dernières années de sa vie. Certes, cela faisait deux semaines qu'il était officiellement un membre à l'essai de Enhypen, mais cela faisait aussi deux semaines qu'il avait tourné le dos à Hyunseung, le quittant sans un regard. Il avait à peine repensé à cet événement, trop absorbé par la vie étrange et intense de l'hôtel, trop pris par les pensées obscènes tournées vers son patron.

Oublier ainsi, tourner la page aussi vite sur la plus grande période de sa vie, lui semblait tout simplement invraisemblable. Peut-être n'était-il qu'en train de se mentir à lui-même, de masquer la réalité sous cette nouvelle obsession, mais il n'était plus sûr de rien.

Assis à la cafétéria du deuxième étage, en compagnie de l'argenté et du platine, Sunwoo savourait tant bien que mal son petit-déjeuner. C'était une routine qu'il avait adopté depuis près d'une semaine, de rejoindre le couple après sa douche. Puisqu'effectivement, Sunwoo logeait toujours dans la suite de Ni-ki. La tension variable qui s'était installée entre eux depuis que le plus jeune l'avait sauvé le jour de son anniversaire évoluait pas à pas, bien qu'il demeurait lunatique. Toutefois, le point positif résidait dans le fait qu'aux côtés de Ni-ki, il se sentait privilégié. Il avait accès à son lit, à sa garde robe et même à son ordinateur personnel. Que rêver de mieux comme traitement de faveur ?

Il n'avait aucune idée de pourquoi le dealer le traitait ainsi. Toutefois, il n'allait pas se gêner pour profiter de ses avantages. Lui aussi, savait se montrer opportuniste lorsqu'il le fallait. 

"Sun', à quoi tu penses ?"

Sunwoo releva lentement les yeux vers son interlocuteur, lui adressant par la suite un léger sourire en remuant sa cuillère dans son bol de céréales.