𝗧𝗥𝗔𝗣𝗣𝗘𝗗 | 𝗁𝖾𝖾𝗌𝗎𝗇

𝟏𝟕

— Vous n'avez pas d'invitation officielle ?

Le ton du réceptionniste était poli, mais son regard perçant trahissait un doute profond.

— La voici.

Ethan esquissa un sourire, levant légèrement les mains comme s'il tenait un laissez-passer invisible. Un geste théâtral, transpirant l'insolence. Sunoo, à ses côtés, resta figé, observant les autres invités franchir sans encombre les lourdes portes du château, leurs véritables invitations scintillant sous les lustres dorés. Eux, en revanche, étaient bloqués. Dix minutes qu'ils se tenaient là, à essuyer les regards insistants des vigiles, à sentir la tension grimper d'un cran à chaque seconde qui s'écoulait.

— Je suis désolé Messieurs, mais si vous n'avez pas d'invitation, je ne peux pas vous laisser entrer.

Ethan expira lentement, comme amusé par l'audace du portier. Il fit un pas en avant, réduisant la distance entre eux, son ombre s'étendant sur le marbre immaculé.

— Vous êtes sûr de vouloir me refuser l'entrée ?

Demanda-t-il d'une voix basse, presque caressante. Sunoo sentit un frisson remonter le long de son échine. Il connaissait cette intonation. Ce n'était pas une supplication, ni une négociation. C'était une menace voilée, glissée avec une élégance qui rendait le tout encore plus dangereux.

— Je suis navré, je ne fais que mon travail.

Étonnamment, alors que tous ceux qui croisaient le chemin enflammé du noiraud préféraient tracer leur route sans un regard en arrière, le réceptionniste, lui, ne semblait pas vouloir se laisser démonter. Pourtant, la perle de sueur glacée qui glissait lentement sur son front trahissait son malaise.

Ethan s'apprêtait à avancer de nouveau, prêt à abattre son ultime carte, lorsqu'une main discrète se referma autour de la sienne. Son regard sombre s'abaissa aussitôt vers cette emprise inattendue, puis remonta vers son protégé, une lueur inquisitrice brillant dans ses iris.

"Tu veux quoi ?" semblait-il dire, le menton légèrement relevé, son irritation à peine masquée. Mais Sunoo ne broncha pas. Il planta ses prunelles dans celles de son bourreau, une lueur de défi dansant au creux de ses iris mordorés. Il ne prit pas la parole, se contentant de resserrer légèrement sa prise. "Laisse-moi faire." lui disaient ses yeux.

Ethan le fixa longuement, analysant chaque parcelle de son expression, cherchant la faille, le tremblement, la peur cachée. Mais il n'y trouva rien. Juste cette étrange détermination, comme une braise trop longtemps retenue sous une couche de cendres. Un soupir imperceptible échappa à ses lèvres. Il leva les yeux au ciel avant de desserrer leurs doigts et d'agiter nonchalamment la main devant lui. "Fais-toi plaisir, trésor. Amuse-moi."

Un léger frémissement parcourut l'échine du novice, mais il ne recula pas. Au contraire, il s'avança d'un pas vers le réceptionniste, le cœur battant à tout rompre contre sa cage thoracique. C'était maintenant à lui de jouer.

— Excusez-moi pour ce malentendu...Ce que mon ami voulait dire était que nous avons malencontreusement oublié notre carte d'invitation dans notre voiture. Malheureusement, notre chauffeur est déjà reparti et n'est pas censé venir nous récupérer avant une certaine heure.

Ethan arqua un sourcil, les bras croisés, observant la scène avec un amusement non dissimulé. Sunoo, avec sa voix douce et son regard suppliant, jouait une carte bien différente de la sienne. Là où Ethan imposait sa volonté avec la force et l'assurance d'un roi, Sunoo optait pour la persuasion subtile, celle qui faisait appel aux émotions, à la compassion, à la pitié.