𝗧𝗥𝗔𝗣𝗣𝗘𝗗 | 𝗁𝖾𝖾𝗌𝗎𝗇

𝟏𝟖

L'eau tiède ondulait faiblement autour de lui, caressant les plis rigides de son pantalon de costume souillé. La chemise trempée collait à sa peau, lourde, poisseuse, imbibée d'un fluide qui n'aurait jamais dû être là, qui n'aurait jamais dû avoir sa place sur lui.

Sunoo était affalé dans la baignoire, le regard vide, fixant un point inexistant sur le carrelage en face de lui. Ses bras reposaient sur les rebords, inertes, comme s'il n'avait plus la force de les mouvoir. De temps à autre, un frisson parcourait son corps, une réaction involontaire à l'eau qui se refroidissait lentement autour de lui. Pourtant, il ne bougea pas. Il aurait pu se lever, se débarrasser de ses vêtements, effacer les traces de ce qui venait de se passer... Mais il n'en avait ni l'envie, ni la force.

Ses doigts tremblaient à peine lorsqu'il les porta devant ses yeux. Là, sous la lumière tamisée de la salle de bain, il pouvait encore voir les stries écarlates sur sa peau, malgré l'eau savonnée qui essayait vainement de les délaver. Il frottait ses paumes l'une contre l'autre, plus fort, encore plus fort, mais rien ne partait.

Ce sang... Il était toujours là, présent comme une malédiction imprimée sur sa peau, une ombre indélébile qui refusait de s'effacer, pas même de s'estomper, peu importe combien d'eau il versait sur lui. Imprégné dans chaque pli de sa peau, incrusté sous ses ongles, accroché à son âme condamnée.

Un haut-le-cœur le prit soudain. Il ferma les yeux, serra les dents. L'image de Jeongsu s'effondrant au sol, son sang se mêlant à celui de ses gardes, revint avec une netteté atroce. Son souffle se bloqua. Il tendit le bras, agrippa le rebord de la baignoire comme pour s'ancrer à la réalité. Mais la sensation de la lame s'enfonçant dans la chair, le hurlement étouffé du prince, l'expression de douleur et d'incompréhension dans ses yeux... Tout revenait en boucle. Inéluctablement.

Un damné.

Voilà ce qu'il était devenu.

Il voyait rouge, du sang partout : dans la baignoire, sur ses vêtements, dans ses cheveux, et surtout...sur ses mains.

Les murs autour de lui se teintaient lentement d'un rouge sombre, dévorant chaque nuance de blanc jusqu'à ce qu'il ne reste plus que cette couleur poisseuse, omniprésente. L'eau qui l'enveloppait n'était plus qu'un océan de sang, l'évidence insoutenable d'un crime qu'il ne pouvait effacer. Il devenait fou. Il avait l'impression que la baignoire débordait, que le liquide visqueux se répandait sur le sol, souillant tout sur son passage. Il baignait dedans. Il s'y noyait.

Un cri lui échappa, déchirant, saccadé par ses sanglots. Sa voix, brisée par l'intensité de ses hurlements, n'était plus qu'un écho rocailleux contre les murs qui semblaient se refermer sur lui. Il tenta de se redresser, de s'arracher à ce cauchemar éveillé, mais ses mouvements étaient maladroits, désespérés. Il glissa. Son corps s'effondra dans l'eau souillée, sa tête heurtant violemment la paroi avant de disparaître sous la surface.

L'horreur se faufila entre ses lèvres entrouvertes. Il avala une gorgée de ce liquide épais, son goût métallique envahissant sa bouche, son nez, sa gorge. Il suffoqua, se débattit, les mains agrippant l'air dans une lutte invisible contre le poids de sa propre culpabilité. Lorsqu'il parvint enfin à émerger, il toussa violemment, rejetant ce qu'il avait bu, mais l'arrière-goût de la mort s'accrochait à lui comme une fatalité.

Puis, il baissa les yeux. Son reflet. Son ombre. Une silhouette méconnaissable dans l'eau trouble. Il la fixa un instant, puis un spasme d'horreur le secoua. Il ne pouvait plus la supporter. Ses mains vinrent frénétiquement heurter la surface, cherchant à la briser, à la dissiper, à l'anéantir. Mais elle était toujours là. Tapie dans l'ombre de sa conscience.

Lorsqu'il n'eut plus la force de se débattre, son corps cessa de lutter et s'abandonna à l'inévitable. L'adrénaline retomba, laissant place à un vide abyssal qui s'insinua en lui comme un poison lent. Ses épaules s'affaissèrent, ses membres tremblants se figèrent, et son souffle se brisa en un sanglot rauque.