𝗧𝗥𝗔𝗣𝗣𝗘𝗗 | 𝗁𝖾𝖾𝗌𝗎𝗇

𝟭𝟰

Le retour à la base s'était effectué plus en douceur que prévu. Ethan n'avait pas lâché la main du blondinet sur tout le chemin jusqu'à sa voiture, s'y accrochant comme s'il s'agissait de l'unique morceau de corde restant avant qu'il ne se perde à tout jamais dans un précipice. Ethan gardait les yeux fixés sur la route, son regard impassible, contrastant avec la délicatesse avec laquelle il serrait la main de Sunoo, ses doigts caressant sa paume avec douceur, dans un geste de réconfort subtil, mais constant.

Le blond n'avait pas prononcé un seul mot, ne lui avait pas accordé un seul regard, s'étant contenté de suivre des yeux, les lumières nocturnes s'effacer peu à peu. Son esprit, encore embrouillé, hésitait à accepter l'idée qu'il était peut-être sauvé, qu'il n'était peut-être plus seul.

Sans doute s'était-il trompé, en pensant qu'aucun prince ne viendrait jamais à son secours. Probablement qu'un prince n'avait pas besoin de sortir d'un conte de fées pour exister. Car oui, Ethan n'avait rien d'un prince charmant dans le sens classique du terme. Mais, tout comme un prince, il régnait sur un royaume, et il avait tendu sa main à Sunoo, non pas pour le sauver avec éclat, mais avec une humilité brute qui rendait le geste infiniment plus réel. Ethan n'était pas un prince au sourire radieux et à l'armure scintillante, mais il avait cet air indomptable, cette aura rassurante d'un homme qui ne laisse jamais rien ni personne tomber.

Pour la première fois depuis longtemps, Sunoo sentit une étincelle d'espoir naître au creux de sa poitrine. Il s'évertuait de croire qu'il n'était pas condamné à vivre dans les ombres de son passé. Peut-être que, dans les bras d'Ethan, il pourrait entrevoir une lumière. Peut-être que, en se laissant border par cette douceur inattendue, il trouverait une faille dans laquelle se réfugier. Peut-être que, son refuge, il ne pourrait le trouver qu'en lui. Qu'en cet homme à qui il ne pensait jamais pouvoir faire confiance jusqu'à présent.

Il s'était surpris à détourner les yeux de la vitre embuée pour les poser sur son sauveur. Son regard épuisé, vidé de toute énergie, se perdit un instant sur les traits sculptés de son visage. Les reflets intermittents des phares des voitures, dansant sur la courbe de ses pommettes et l'ombre de sa mâchoire, semblaient souligner une beauté qu'il n'avait jamais vraiment pris le temps d'observer. Une beauté brute, farouche, mais étrangement mielleuse.

Ce qu'il vit dans les profondeurs des yeux d'Ethan — ce mélange d'ombre et de feu, cette étincelle sombre presque menaçante — ne lui inspira aucune crainte. Au contraire, il s'y abandonna sans opposer aucune résistance. Il voulait s'y perdre, s'y immerger entièrement, comme si ces ténèbres pouvaient le cacher de tout ce qui le hantait. Il souhaitait que Ethan l'y enferme à double tour, qu'il fasse de ce sanctuaire obscur, un rempart infranchissable contre les horreurs du monde extérieur. Ethan tourna brièvement la tête vers lui, un léger sourire en coin se dessinant sur ses lèvres.

— J'ai quelque chose sur le visage ?

Demanda-t-il, sa voix empreinte de cette nonchalance familière, mais teintée d'une pointe d'amusement. Il savait très bien pourquoi son protégé l'observait, mais ne pouvait pas s'empêcher de saisir cette perche si gracieusement tendue vers lui pour le taquiner un peu. Pris sur le fait, Sunoo détourna aussitôt les yeux, ses joues prenant une teinte subtilement plus chaude, contrastant parfaitement avec la fraîcheur de cette nuit d'été.

— Non...Il n'y a rien...

Murmura-t-il, feignant de s'intéresser de nouveau au paysage nocturne qui défilait de l'autre côté de la vitre. Mais même à travers ce bref échange, un poids semblait s'être dissipé, laissant place à un fragile équilibre entre eux, comme si ce moment partagé marquait le début d'une nouvelle dynamique entre eux.

— Et si tu me disais qui était le type de tout à l'heure ?

Sunoo sursauta légèrement à la question. Il se retira automatiquement de la délicate prise de son supérieur, ses doigts se crispant sur le tissu de son pantalon. Le poids de l'interrogation lui faisait l'effet d'une lame froide glissant sur sa peau, priant de tout son être pour qu'elle ne la tranche pas.