The Light in Your Darkness {Malec}

Chapitre 6 : Haine et chagrin

Chaque communauté du Monde Obscure possédait sa propre couleur de deuil. Chez les vampires, ironiquement, c'était le rouge. Chez les sorciers, le violet. Pour les lycanthropes, la tradition voulait que la couleur de deuil soit l'argent, pour rappeler le métal qui faisait brûler leur peau au moindre contact. Les membres du Petit Peuple, eux, privilégiaient le bleu, et le symbole du papillon qu'ils associaient au renouveau, à la vie après la mort. Quant aux Nephilims, ces derniers enterraient leurs morts tous de blancs vêtus, comme le voulait leur coutume. C'était une triste ironie, pensa Alec en regardant brûler d'un air absent et pourtant profondément triste le corps de son frère, dissimulé sous un linceul. Ironique en effet, lorsqu'on savait que les Terrestres, qui pourtant n'étaient censé rien savoir du Monde Obscur, enterraient eux aussi les enfants en blanc, pour commémorer leur pureté volée par la mort. Sauf que Max n'était pas un Terrestre, il n'avait pas eu le droit à un cercueil immaculé, ses cendres iraient rejoindre celles de ses ancêtres dans la Cité Silencieuse, parmi les autres Chasseurs d'Ombres disparus. La cérémonie avait été simple et courte. Le jeune garçon ne connaissait pas grand monde à part sa famille avec qui il avait grandi, aussi n'y avait-il pas eu grand monde d'inviter. A présent que le corps de son cadet se consumait dans les flammes, Alec sentait la tristesse et le chagrin qu'il avait ressenti jusqu'alors se consumer eux aussi, et des cendres de sa peine commença à naître un tout autre sentiment : celui de la colère et de la vengeance. Le Grand Poison avait tué son petit frère, il avait arraché une vie à ce monde, et il se promettait de lui rendre la pareille. Il trouverait ce démon qui terrorisait la ville, et où qu'il soit, peu importe le temps que cela lui prendrait, le noiraud se promettait de retrouver le Grand Poison et de lui faire regretter d'avoir détruit sa vie. Avec un soupir, et la cérémonie des funérailles touchant à sa fin, Alec retourna à l'Institut pour trouver son meilleur ami, le seul capable de comprendre et de partager sa colère et son ressentiment. Ce dernier, d'ailleurs, semblait l'attendre, comme s'il se doutait que le noiraud viendrait le trouver pour parler.

- Je vais le tuer, déclara le dernier fils Lightwood en serrant les poings. Je jure sur l'Ange que je vais tuer le salopard qui a fait ça à Max...

- Et comment tu compte t'y prendre ? Soupira Jace en secouant négativement la tête. Tu ne connais pas son identité, au Grand Poison, on ne sait même pas où le trouver...Et de toute façon même si c'était le cas il doit être préparé à ce qu'on débarque, tu te souviens la dernière fois ? J'ai failli devenir un monstre !

Aveuglé par son chagrin et sa haine, Alec ne releva même pas le mot employé par son parabatai pour parler des loups-garous. A vrai dire, il s'en fichait comme de sa première stèle. Tout ce qu'il voulait, à l'heure actuelle, c'était de tuer cet être vil qui avait détruit sa famille et son univers. Le plus vieux secoua la tête par la négative, sans réellement savoir pourquoi, et planta son regard cobalt dans celui doré de son frère de cœur, le seul qui lui restait.

- Il sera prudent si la menace vient de l'extérieur, mais pas si elle vient de l'intérieur. Si j'arrive à l'approcher sans qu'il ne se doute de quoi que ce soit alors ce sera gagné pour moi.

- On est des Chasseurs d'Ombres, protesta Jace comme une évidence. Avec tes runes, il te verra venir à des kilomètres ! Même avec un charme tu te ferais repérer avant même d'avoir pu t'approcher de lui. Tout ce que tu réussiras à faire, c'est de te faire tuer, et on aura pas seulement perdu Max mais on t'aura perdu toi aussi. Tu veux vraiment risquer ta vie sans même avoir la certitude d'arriver à venger Max ? Moi, je ne t'aiderais pas à avancer tête baissée dans la gueule du loup pour te voir mourir, hors de question !

Le Chasseur d'Ombre aux yeux cobalts ouvrit légèrement la bouche de surprise. Il s'était attendu à tout, sauf à ce que Jace lui refuse son aide. Le noiraud pensait qu'il lui aurait apporté son aide, son soutien au moins, ou même des conseils, mais non. Le blond se contenter simplement de dire non, alors qu'il était lui-même le premier à foncer dans ce genre de coup fourré dont il avait le secret. Blessé par le manque d'investissement de son propre parabatai et toujours en colère de ne pouvoir assouvir sa vengeance, Alec tourna les talons et quitta la pièce en claquant la porte, avant de dire des paroles qu'il regretterait sans doute. Décidant de quitter l'Institut pour une heure ou deux, histoire de se calmer un peu, le noiraud sortit en trombe du bâtiment et, sans regarder où il allait, percuta de plein fouet la personne qui se trouvait sur son passage. Levant les yeux vers l'inconnu, il constat qu'il s'agissait de Ragnor. L'immortel à la peau verte portait un magnifique costume à redingote violet aubergine. Ses cheveux étaient attachés en une longue tresse et ses cornes étaient couvertes par un léger voile de soie fine de la même couleur que son costume. Il revenait sans doute de la cérémonie. Ayant été le précepteur de Max, comme celui d'Alec, il avait été invité à contre cœur par Maryse aux funérailles du petit garçon et il avait arboré les couleurs de deuil des sorciers. Son regard noisette se voilà d'une peine plus grande encore lorsqu'il le posa sur son cadet et il lui accorda un sourire compatissant d'une grande tristesse.

- Je sais que la formule ne se prête pas aux Nephilims, mais je te présente toutes mes condoléances, Alec, souffla-t-il en posant une main rassurante sur son épaule. Si tu as besoin de me parler, tu sais que ma porte t'est toujours ouverte, ça ne changera rien, d'accord ?

- Laisse moi, je ne veux pas de ta pitié, gronda le plus jeune en se dégageant d'un geste brusque comme si le contact de son ami l'avait brûlé.

- Ce n'est pas de la pitié, Alec, mais de la compassion, expliqua le sorcier d'une voix patiente, bien que blessé par son comportement. Regarde moi, c'est moi, c'est Ragnor, ton ami. Ou alors suis-je devenu un étranger depuis que ton frère nous a quittés ? Demanda-t-il avec peine, redoutant la réponse du noiraud.

- Je me fiche même de ta compassion ! Hurla le plus jeune en sentant mille larmes venir inonder ses yeux fatigués et délavé d'avoir déjà trop pleuré. Il m'a pris mon petit frère ! Je croyais pouvoir faire confiance au Monde Obscur, je croyais pouvoir faire confiance aux Créatures Obscures, te faire confiance à toi ! Mais je me trompais ! Je ne peux faire confiance à personne, vous n'êtes tous bon qu'à mentir et à faire souffrir ! Je le tuerais pour ce qu'il a fait, je le tuerais !! Cria-t-il en fondant brusquement en larmes.

Ragnor se tenait droit, essayant de ne pas flancher alors que chaque mot prononcé par son cadet lui faisait l'effet d'un coup de poing reçu en plein visage. D'un geste lent, précautionneux, il passa ses bras autour du corps tremblant et sanglotant du noiraud. Alec le repoussa avec véhémence avant de finalement rendre les armes. S'accrochant désespérément aux épaules de son aîné comme à une bouée de sauvetage, le jeune homme sanglota de tout son saoul, le visage enfouit dans le cou du plus vieux, murmurant une myriade de "pardons" brisés qui déchirèrent un peu plus le coeur centenaire de Ragnor. L'immortel cornu le berça un long moment contre son coeur, tentant d'apaiser son chagrin par sa présence, comme aurait pu le faire un père pour son enfant, car à ses yeux Alec était encore le petit garçon timide mais débordant d'amour, de compréhension et de compassion qu'il avait vu grandir au fil des ans.

- Je sais que tu as mal, chuchota l'ancien Grand Sorcier de Londres à son oreille en libérant lui-même quelques larmes, mais ne deviens pas comme eux, ne deviens pas comme ceux dont les idéaux s'opposent aux tiennes. Tu n'es pas un tueur, Alec, et le Monde Obscur n'a rien à voir avec ce qu'il s'est passé. Certes, le Grand Poison est une Créature Obscure, mais il ne sert à rien de condamner tout un peuple pour les agissements d'un seul homme. Tous les Nephilims ne sont pas des gens biens, et pourtant toi tu as le cœur sur la main. Ne tombe pas dans les vieux clichés des gentils d'un côté et des méchants de l'autre. Je te connais, et tu vaut bien mieux que ça..., soupira-t-il en caressant ses cheveux.

- Mais ça fait mal...., pleura Alec en déglutissant difficilement. Comment peut-on supporter de vivre avec le poids d'un tel acte...?

- Malheureusement, certaines personnes ont l'âme aussi noire que la nuit, et tu auras beau chercher du bon en eux tu n'y trouveras que mort et désolation. J'ai presque mille ans de vie, et supporter la mort d'un être cher n'est jamais simple, et on n'oublie jamais la douleur, on apprend juste à vivre avec...Mais c'est justement parce que je connais cette douleur que je peux t'aider à comprendre la tienne. S'il te plait...Je te connais depuis toujours, même si tu as un parabatai on est pratiquement des meilleurs amis...S'il te plait, Alec, ne nous retire pas ça : nous sommes deux face au monde pour l'instant, et maintenant que Max n'est plus, je doute que ta mère me garde encore longtemps auprès de vous...

Le noiraud soupira tristement mais hocha la tête, sa colère retombée. Il aurait dû savoir que Ragnor trouverait les mots pour l'apaiser, comme il avait toujours su le faire, bien plus que Jace même. Cependant, le problème n'était toujours pas réglé.

- Tu as raison, c'est vrai, je suis désolé, admit-il doucement avec un sourire penaud. Mais je ne peux pas rester sans rien faire ! Mon petit frère est mort, il faut que j'agisse. Si je ne le tue pas de mes mains, aide moi au moins à l'approcher et à le soumettre à la justice...S'il te plait, Ragnor...

- Il y a peut-être un moyen pour que tu l'approche, mais ce sera long, très long, et je ne t'aiderais que si tu promets de ne pas le tuer de sang froid comme tu le projetais il y a encore quelques minutes.

- Très bien, c'est promis...

Un sourire reconnaissant fendit le visage du sorcier à ces mots, et Ragnor lui fit un clin d'œil complice.

- Retrouve moi à la tombée de la nuit, chez moi. Il est temps que je te présente quelqu'un...

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