Chapitre en tandem avec le 7 donc ils sont postés en même temps.
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Hyacinthe, 18 Février
Toi recouvert de paillettes rouges, du bout de tes mèches de cheveux, sur ton visage, sur ton cou, sur tes bras, sur ton torse jusqu'à tes doigts, jusqu'à tes cils. Je ne t'ai jamais vu aussi phénoménal qu'aujourd'hui, tu sembles venir d'une autre planète, Louis. Comme si la mort prochaine de notre mère te revigorait, quelque part. Étrange et extraterrestre, tu danses dans cette boîte de nuit comme si c'était la dernière fois. Inimitable. Tu es inimitable. Encore une fois, nous deux au centre du reste du monde. Avec toi. Tout change. Avec toi. Je m'échappe à moi-même. Il n'y a pas de retour possible, petit frère. Tu as un regard terrible, ce soir. J'arrive à le décoder. Ce regard qui prononce en silence, juste dans des mouvements de paupières légers et élégants qui cachent tout le désespoir qui s'est installé dans tes yeux vitreux depuis les origines de la violence, de la beauté : inséparables. Tu es l'horreur du Beau dans sa forme conceptuelle. Rien à voir avec une enveloppe charnelle. Tu dépasses tout ça, pas vrai. Regarde moi et agenouille toi, incline toi, des ordres, sur ton corps les coups dans l'enfant que tu étais, sous ton corps les détritus de la grande décharge des Hommes, sur ton corps l'infini des possibilités qui nous échappent, sur ton corps les évadés naïfs et leur espoir qui grouille dans les morceaux de cervelle qu'ils sèment au quatre coin de leur conscience.
Toi devant la stratosphère, toi devant lequel le monde s'écrase et tu veux rire et pleurer et hurler face au sublime des choses, même la plus minuscule, de la plus fine branche d'un arbre mort, du moindre brin d'herbe aux toiles des plus grands maitres, à la déflagration brutale du soleil qui rayonne, luminescent et terrible, sur tes doigts même s'il n'y a rien dans la finalité de l'existence, tu t'en fous, pour toi, tu es increvable au plus profond des immondices broyées dans tes entrailles tu vois ta tête sur les affiches les plus hautes et les plus grandes, c'est là toute la substance de ton mérite après tout. Si les autres ne se relèvent pas, c'est leur problème. Si je suis la colère, tu en es la rédemption et si moi-même je suis en colère, c'est pour compenser la lâcheté des autres. Tu as été ma muse et ma morale pendant longtemps et si je me sépare de ça je ne pourrais plus être dans ton camp tu deviendras une énième dissonance cognitive dans les millards de raisonnements foireux que j'ai tissé des fils de soi autour de mon cou, fils de toi, noeud de la corde qui est en train de me pendre, ce noeud fait depuis aussi longtemps que je t'admire. L'oiseau de feu planté dans ta gorge, l'oiseau de feu déterminant l'absolue terreur de l'espoir. Toi, tu es beau comme une petite mort. Moi en paillettes d'or, toi luisant et écarlate et pourpre et toi encore toi, fendre la nuit, couper le jour, miroite moi, complète moi, Ari qui se suspend à tes lèvres et dont tu recouvres ses joues de ces paillettes que tu portes, ça fait comme des écailles, rugueuses rude rugissantes. Au plus proche de la définition du chaos, là, dorsale et perçante, broyant la chair, un aileron pour te diriger dans l'océan de la haine, du combat, les charpies, les étendards d'un pays réduit en cendres, si solitaire, la peau égale à l'hiver.
Toi avec Ari. Vous révolutionnez toutes les notions d'amour existantes. Je pourrais vous regarder de cette intensité furtive et le monde pourrait vieillir de centaines de millénaires le temps que j'en détache mon regard avide vorace de vos plans sur la comète sur laquelle vous êtes assis, là, à nous regarder convulser dans nos linceuls qu'on fabrique nous-mêmes dans les os du désespoir. Tout est si faible et si fragile, Louis. Tu es un intrus dans chaque conception hypothétique que l'on se fait sur des savoirs incertains. Ari et toi dépassez l'entendement humain. Pulsion de vie pulsion d'amour pulsion de renouveau. Feu au bord des yeux, des mots doux mal prononcés du bout des lèvres. Ari dans tes bras, tu te ratures intentionnellement. La beauté n'est que douleur. Tu peines à l'admettre. Pensées scientifiques qui se heurtent aux sentiments innommables. Ce que tu ne peux expliquer te blesse. Tu te tortures tu te tords en espérant qu'Ari t'aime avant que demain ne meurt dans ta chair charcutée, carbonisée. Au fond d'une rivière, eau claire, couverte de ton sang, que tu portes pailleté au milieu de cette piste de danse, seconde peau et il ruisselle ruisselle ruisselle sang sans pardon possible sang contaminé empoisonné toxique les autres prient pour ta clémence avant même de joindre leurs mains avant même d'avoir posé le genou à terre. Louis où iras-tu quand tu auras provoqué la fin du monde ? Blessures et cicatrices sous les lumières à la fois trop fortes et trop belles. Oublie ton nom dans les débris du grand incendie, les allumettes de Tobhias deviennent humides : comment rallumer le feu ? Tu brises des os, couteaux de son malheur, de sa douleur dans le crâne. Les résidus de poudre, d'essence, des choses cassées, nos jouets d'enfants encore un peu là, que vas-tu faire de ta souffrance après avoir disloqué tout ce qui pouvait être disloqué ? Tu n'as pas besoin d'appuyer sur la gâchette pour te changer en tueur. Ma bombe au milieu des ruines.
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MOLOCH PARTIE II
Misterio / SuspensoLes joueurs placent leurs pions sur le grand échiquier de la violence, des remords, de la vengeance, des secrets de famille qui devaient rester sous silence. Le mariage à venir de Tobhias est entre tous les yeux, gravé sur toutes les lèvres. Tobhias...