CHAPITRE SEPT : LE SACRE DU PRINTEMPS

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Bienvenue dans la suite de Moloch. Au programme un peu de contemplation pour revenir aux bases. J'espère que ce sera une lecture agréable. Enjoy.

TW : Mention de sexe dans le premier pov

Louis, 18 Février

Ari, dans un présent bancal. Ari, au-dessus de son corps. Louis ne s'habitue pas encore aux retrouvailles orgasmiques avec sa vie sexuelle. Il lui semble qu'il est là sans être là. Ari, encore et toujours, là, dans son esprit, dans ses gestes, dans la douceur de sa peau. Elle est belle. Envers et contre tout ce que les gens pourraient penser quand ils la croisent, au détour d'une rue, à la table d'un café, elle toujours entourée de dizaine de livres, une beauté qui tisse une profonde névrose obsessionnelle, percutant son dos, ses hanches, ses reins au milieu du rien de sa vie à lui, au milieu du tout de sa vie à elle. Louis flippe devant la voracité avec laquelle il la tient par la taille, l'exaltation de ses sens quand il la serre dans sa bras pour déposer sur sa poitrine la tête lourde de toutes ses sauvageries, ses défaites à venir, ses tentatives désespérées de trouver du sens dans ce qui n'en a aucun, par principe, par logique, lui, au plus profond d'elle, comme s'il pouvait la saisir, enfin, après des années à la chercher. Ari serre le haut de sa tête dans ses bras, l'embrasse dans ses ruines. Nouvelle ère et nouveau jour. Il aimerait effleurer chaque partie de son corps en même temps, la bouleverser de son contact acide, lui éviter les bubons purulents qui s'étendent encore et encore, les traces noires sur ses joues, son front, ses mains, ses ongles. Louis pourrait renverser cette femme à chaque minute qui s'écoule, et entre quelques instants de lucidité que le désir annihile, passer au dessus d'elle, dans un faux contrôle. C'est Ari qui mène la danse sans le savoir. Louis la laisse le séduire, elle, qui passe ses mains dans ses cheveux, quand elle ferme les yeux. Louis souhaite qu'elle le fige dans l'éternité, qu'elle les rouvre, ses yeux marrons clairs meurtris au delà des monstres humains et stratosphériques, rouvre les, crucifie moi à l'intérieur d'eux, comme si c'était là qu'était ma place depuis ma venue dans ce monde que je hais. Ari s'enveloppe elle-même, toujours au dessus de lui, elle se prend dans ses propres bras, ses mains sur ses épaules, elle paraît si petite et si grande à la fois, si fragile et si forte, elle possède le contrôle de son orgasme, elle propulse Louis hors de la Terre, plus loin que ne sont jamais aller les Hommes. Elle le sacralise dans une danse funeste, une renaissance. Et Louis en veut plus, il en veut toujours plus. Que le monde, ses concepts, son faux courage et ses persuasions futiles que tout va finir par s'arranger, que tout ça brûle, même son nom, surtout son nom.

Louis entraine un changement de position. Allongé au dessus d'elle, Ari reste toujours la bombe atomique qui le cristallise l'empale et le dissout, son regard dans l'écrin du sien, ses mains qui tâtent son dos osseux. Louis n'est qu'os et charpie de lui-même. Il s'oublie. Il perd ses repères temporels. Il ne parvient plus à se situer dans le monde. Quel intérêt, dans un sens. Il n'en a jamais vraiment fait partie. Les remparts de ses pronostics pour le futur s'effondrent de toute part. Lui dans son corps qui fusionne avec le sien, elle qui accepte d'être figée au milieu des choses qui étouffent, des choses qui ravivent des sentiments cachés dans sa cage thoracique. Ils se soulèvent, ils transpirent, un givre d'une intensité calcinante, beauté, violence, tout s'active dans les artères de Louis. Son cœur explose. Lui, toujours dans le contrôle de tout, lui, toujours fidèle à lui-même trahit le sermon à la raison humaine qu'il fait depuis sa mise en circulation avec les êtres humains, la société, les tangentes des rencontres futiles, éphémères qui ne produisent que dans un hasard magnifique mais vide, profondément vide. Sang versé sans bataille, sang au bout de son nez, sang au bord de ses lèvres que Ari saisit quand elle l'embrasse, la tête de Louis prisonnière de ses bras. Dehors, là où l'univers est toujours en mouvement, les lumières des bâtiments s'éteignent, remplacées par l'aurore, l'horreur d'un nouveau lendemain en action, un énième petit matin qui succède à la nuit noire. Louis ignore s'il est encore réel. Mais en soi, c'est une réflexion, un doute qu'il se fait régulièrement, il n'a pas besoin de faire l'amour pour induire ce dilemme crasseux. Tout n'est qu'angoisse. Si seulement son cœur pouvait fusionner avec celui d'Ari. Est-ce un souhait, une supplication ou une prière. Peut-être tout ça à la fois. Louis manque de mourir à chacun de ses mouvements. Les plaies puantes tout à l'intérieur, les marasmes noirs, oraisons vivaces, poésie en prose de la laideur, volcans en éruption tout au bout de ses doigts dans lesquels il pourrait tout saisir, tout détruire la destruction elle-même. Louis préfère l'éclatement de lui-même, au creux de sa propre ombre, plongé sans cesse dans l'extérieur de lui-même. C'est l'hiver : pourtant il assiste au sacre du printemps. Louis manque de mourir dans ce qu'il ne pense pas encore. Grésille. Ça grésille. Sans savoir ce que « ça » désigne réellement. De ce monde, il désire enfin tomber. Est-ce qu'Ari tombera avec lui ? Louis refuse cette possibilité. Il en a peur. Rivières et torrents d'eaux boueuses. La singularité des choses banales à en pleurer, à en crever, à s'en détruire les nerfs. À vif. S'effacer et disparaître. À tout prix. Contemplation et compassion. Louis ne sait plus comment il en est arrivé là. Il n'ira pas loin s'il ne se remet pas de sa propre naissance. Plus fort plus doux. Ari est une caresse dans l'atrocité qu'il construit un peu plus tous les jours comme on érige des églises et des temples sacrés. C'est sa colère son sacré à lui. L'orchestre de sa tête s'arrête de jouer au moment où Ari prononce son prénom, essoufflée, son nom auquel elle donne raison à un éclat scintillant et coupant de sa signification : la gloire et le combat.

MOLOCH PARTIE IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant