Juste un Rayon de Soleil

Chapitre 5

Les choses ne se passaient absolument pas comme prévu. D'abord Félix ne voulait pas manger, mais on l'avait forcé à ne rater aucune bouchée. Ensuite il détestait se faire remarquer et avait pourtant attiré l'attention de tous les dortoirs en criant à l'aide pour Jisung. Lui qui passait le plus clair de son temps à prévoir chaque moment de ses journées et à tout contrôler, il se retrouvait dans une situation où tout dérapait au quart de tour.

Comme si mère Destin avait écouté ses pensées, il remarqua Jisung allongé sur l'herbe. Il hésita à aller le voir, il se promenait déjà depuis une bonne demi-heure autour du bâtiment et commençait à se lasser de la vue ; mais il irait après, il n'avait pas encore assez marché, ne s'était pas dépensé assez.

Un tour de plus, Jisung était toujours allongé là bas au loin. Félix repensa au moment où l'autre s'était agrippé de toutes ses forces à lui, encore un peu et il l'entraînait presque avec lui dans sa chute. Il en avait encore mal au ventre là où le garçon l'avait attrapé maladroitement. Il s'inquiétait de savoir si lui aussi s'était fait mal, ses genoux avaient quand même heurté le sol assez violemment à ce moment là...

Encore un tour, un seul tour de plus et il irait voir si tout se passait bien. Il ne voulait pas le déranger, l'autre avait l'air si calme, et lui même était bien là, seul à seul avec sa petite voix. Peut être que dans deux tours ce serait mieux finalement, il n'avait pas tellement envie de parler, il lui demanderait juste par principe si ça allait mieux et reprendrait sa ronde.

Quatre tours, ses jambes fatiguaient, il était temps de s'approcher de son partenaire d'hospitalisation. Dommage qu'il n'ait pas marché plus, il était vraiment ridicule de s'épuiser aussi vite ! Si encore il avait couru, mais il ne fallait surtout pas, sinon quelqu'un serait forcément venu l'arrêter et il en était hors de question. Peu de calories brûlées valaient mieux que pas de calories brûlées du tout. Au moins là, aucun soignant ne s'était intéressé à lui, tout le monde étant aux réunions de groupes et activités, il passait inaperçu.

Ça y est, il atteignait finalement l'autre garçon... "Tu vas mieux ?"

Il ne pensait pas autant le surprendre, il avait pourtant fait exprès de se mettre devant le soleil pour ne pas le perturber : autant éviter de déclencher une réaction démesurée chez l'autre. Un silence très gênant accompagnait le regard inquiet de Jisung au sol qui déglutit comme s'il s'apprêtait à répondre à un amphi entier.

"La vraie questions c'est : Est-ce que je pourrai un jour aller mieux ?

- Se serait se mentir si on tente de s'en persuader ?"

Jisung se redressa au sol, maintenant assis il proposa à l'autre de s'installer à côté de lui sur l'herbe.

"Merci pour ce que tu as fait pour moi tout à l'heure." Lui dit l'autre timidement. "Tu m'as vraiment aidé à tenir, j'ai bien cru que j'étais tout seul dans ce couloir.

- Ça t'arrives souvent ?

- Les crises de panique ? Au moins deux fois par jour... Mais même quand elles s'arrêtent, l'angoisse reste à longueur de temps."

Sa réponse lui suffit, et il comprit que Jisung n'avait pas tellement envie d'en dire plus. Ils attendirent donc un moment assis, à arracher l'herbe parce que la situation était plutôt gênante. Ça leur convenait quand même à tous les deux, ce moment calme mais accompagné, à profiter de l'air extérieur.

"Je suis vraiment désolé pour ce midi."

Jisung venait de lancer cette excuse brusquement.

"Quand tu m'as aidé à reprendre mes esprits, je me suis dit que je n'aurais pas dû me mêler de tes affaires. Moi je t'ai poussé dans ce qui te terrorise le plus alors que toi tu m'as aidé à me calmer."