Chapitre 10

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Les thymorégulateurs : un nom à rallonge pour des traitements qui ne fonctionnaient même pas. Alors soit le dosage n'était encore pas le bon, soit la bipolarité de Changbin serait bientôt classée incurable, et alors tchao bye bye Binnie, à jamais enfermé à l'HP.

En fait c'était bien pire que ça, parce que s'ils ne trouvaient pas de dosage adapté, ils finiraient quand même par le laisser rentrer chez lui au bout d'un moment, et alors la redescente en phase dépressive risquait d'être bien glauque...

Tous les soirs dernièrement, lorsqu'il allait se coucher, euphorique de ses ambitions, prêt à tout plaquer et à tout dépenser pour concrétiser ses projets grandioses, Changbin redoutait de se réveiller le lendemain matin avec l'envie de se pendre.

Ça lui était déjà arrivé, c'était d'ailleurs pour ça que ses parents avaient demandé son hospitalisation... Après qu'on lui ait nettoyé l'estomac de la cinquantaine de médocs qu'il s'était avalé d'un coup. Pourquoi vivre quand on gaspillait son énergie dans des mois entiers de travaux acharnés qui n'aboutissaient jamais à rien ?

Mais c'était bon maintenant, il allait mieux en cette nuit d'insomnie où il s'imaginait comment il allait disposer sa future salle de muscu chez ses parents. Les machines allaient coûter beaucoup trop cher, mais tant pis, au pire il ferait un prêt, ou bien il emprunterait cet argent à ses parents, peu importe, il fallait que ça marche ! Mais dans quelle pièce est-ce qu'il allait installer tout ça ? Sinon, autant ouvrir sa propre salle... Au moins elle serait rentabilisée ! Il pourrait y avoir des cours de danse aussi, et des projets de live sur les réseaux... Arf, trop d'idées... Il ne pouvait même pas les noter parce qu'il se faisait engueuler par ses colocataires à chaque fois qu'il allumait sa lumière. Alors il tentait de les lister dans sa tête, mais incapable de se concentrer comme il l'aurait voulu, il se tournait et retournait dans son lit.

Alors qu'une infinité de choses fusaient dans sa tête, il entendit depuis le lit d'en face qu'on toquait plusieurs fois sur le mur.

"Hyunjin, c'est quoi ton délire de taper au mur comme ça tous les soirs ?

- T'inquiète, je dis juste bonne nuit."

Lui qui pensait que son pote commençait à aller mieux... En fait il devenait peut-être juste réellement taré à force.

Au petit matin, très petit matin même, vers 5h30, Changbin n'avait pas envie de se tuer. Bonne nouvelle. Il s'était réveillé avec une pêche incroyable malgré le fait qu'il se soit endormi à plus de 3h. L'ouverture des chambres n'arrivant qu'à 7h00, il eut largement le temps de voir murir une nouvelle idée incroyable pour cette énième journée !

Sûr de lui, il avait prévu en détail comment proposer aux animateurs d'organiser un pique-nique dans le parc de l'établissement cet après-midi là. Il avait tout noté sur son petit calpin, inscrit chaque idée comme le psychiatre le lui avait conseillé : réalisable dans la journée ? Oui ; coûteux ? Non ; dangereux ? absolument pas ; activité où il serait seul ? Au contraire !

Alors, à 7h tapante, quand il entendit l'aide soignante faire tinter ses clefs en ouvrant la chambre d'à côté, lui trépignait d'impatience devant sa porte.

Il dû malgré tout attendre encore que le psychiatre arrive à 9h pour lui parler de sa proposition. Enfin, heureux et fier que son activité soit en effet approuvée par monsieur le professionnel des crises mentales, il se rapprocha des membres du personnel pour commencer à organiser tout ça. Ça allait être parfait ! Rien ne pourrait gâcher ce moment de partage, les gars allaient adorer !

Quelques heures plus tard, tout était prêt, plusieurs jeunes étaient déjà installés, et il était même comblé d'avoir réussi à convaincre Seungmin de venir s'asseoir avec eux dehors. Bon, son ami avait catégoriquement refusé de s'installer dans l'herbe et avait eu un haut-le-cœur quand il avait vu une vieille tâche délavée sur la nappe de pique-nique, mais au moins il était là avec les autres, sur sa petite chaise de jardin, et ça, c'était beau à voir.

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