-- CHAPITRE 8 --

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Fatalité ou comment se débarrasser des nuisibles


1. Utiliser un répulsif.

Je déteste Pablo Morin. Je le hais. Clone arrogant de Maximilien, il cumule tous ses défaut, en y ajoutant une méchanceté caustique. Deux années d'études supérieures à le subir, parce que la fatalité a voulu qu'il soit dans ma promotion, et maintenant, il travaille dans mon centre commercial. Pas de polo graisseux ou taché de café pour lui, non monsieur. Sa chemise blanche impeccable, bien rentrée dans son chino, contraste avec les tenues moins affriolantes des saisonniers. Ce centre commercial est une métaphore des mondes qui nous séparent, les miséreux travaillent au sol et les bien heureux rejoignent leur poste de travail dans les prestigieux bureaux climatisés du service Marketing. En réalité, j'ai postulé à ce poste avant lui, répondant à une annonce publiée trois mois plus tôt. À la fin de l'entretien, le recruteur m'a affirmé que ça s'était plutôt bien passé et qu'il me rappellerait dans les jours à venir. Toutefois, lorsque je l'ai eu au téléphone trois semaines plus tard parce qu'il avait « oublié de me tenir au courant », il m'a annoncé que le poste allait être confié à une personne plus qualifiée et expérimentée. Malgré la déception d'une telle nouvelle, je ne pouvais que comprendre les attentes de l'entreprise. Mais Pablo Morin ? Un mec qui n'a jamais bossé de sa vie ? Son seul talent : être le neveu du grand patron.

Cette sangsue a ce tic agaçant de passer sa main dans ses cheveux. On dirait qu'il fait la promotion d'un nouveau shampoing antipelliculaire. Il m'exaspère avec son air arrogant et sa peau parfaite, comme s'il avait été épargné par les contraintes de la puberté. Oui, tout m'irrite chez lui. Et comme un fait exprès, il a décidé de venir pour profiter de sa pause de dix heures dans mon café. Chaque jour, il débarque avec ses collègues, sa voix tonitruante annonçant son arrivée. Mais je commence à m'accommoder à ce genre de client. Tu ne bois que du déca ? Alors voilà un robusta. Tu n'aimes pas le goût des framboises dans ton muffin aux fruits rouges ? Alors prends un putain de cheesecake, Karen ! Tu viens m'embêter sur mon lieu de travail et me rabaisser devant tes collègues ? Alors, déguste bien ton latte caramel/vinaigrette, Pablo Morin !


2. Boucher les accès.

A priori, ma nouvelle recette de latte lui a plu, parce qu'il continue de venir chaque jour avec son air prétentieux. Ce matin, ma cheffe est absente, l'occasion pour moi de laisser cours à mon imagination. Lorsqu'il arrive au comptoir, je le devance avant qu'il ne prononce son habituel « un latte caramel ».

— La machine est en panne. Plus de café.

— Oh non ! se lamente-t-il d'une voix nasillarde. À quelle heure je peux revenir ?

Jamais.

— Le réparateur ne pourra pas passer aujourd'hui, malheureusement. C'est une tragédie...

— Le mec là-bas, ce n'est pas un café qu'il boit ? m'interroge-t-il en pointant du nez un homme sur la terrasse du café.

Mince.

— La machine est tombée en panne il y a dix minutes. C'est vraiment dommage.

Il se pince les lèvres et scanne les horizons. Je lui indique un autre établissement à vingt mètres. Bien sûr, Sarah serait furieuse de m'entendre dire ça, mais après tout, quand le chat dort, les souris dansent. Alors qu'il s'apprête à partir, je jubile intérieurement, mais mes réjouissances sont de courte durée. Un bruit tonitruant retentit derrière moi.

— Tu ne te ficherais pas un peu de moi ? me lance-t-il, furieux, en voyant ma collègue, de retour de pause, se servir un café. Ça m'a l'air de bien fonctionner.

Martini-GrenadineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant