-- CHAPITRE 17 --

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Orgueil ou comment se défaire des préjugés


1. Ne faites pas de supposition.

Cette année encore, le jour le plus triste de l'année est un cinq août. Tous les ans, c'est la même amertume qui m'envahit, puis me consume. Mais cette année, je commence à comprendre que tout cela est ma faute. Je récolte ce que j'ai semé.

Depuis plus d'une semaine, le kiosque du café a des allures de photographie de la Guerre Froide, mais en aucun cas, il ne ressemble à la scène du baiser torride entre Brejnev et Honecker. Camille fait semblant de m'ignorer. Attend-elle des excuses ? Je l'ignore à mon tour, incapable de cerner ma faute. Au jeu du silence, je suis une championne.

— Tout va bien ? m'interroge Sarah en enlevant le verre que j'essuie de mes mains. Je crois qu'il est suffisamment sec, maintenant.

— Ouais... ces traces d'eau sont coriaces !

Mes tentatives pour faire de l'humour ne la convainquent pas assez. Elle n'est pas dupe.

— Je ne sais pas ce qui s'est passé entre vous. Mais crois-moi, ça ne doit pas être si grave que ça.

D'une voix qui se veut compatissante, elle m'explique que la vie est trop courte pour rester rancunière. Pour Sarah, la rancune est un poison qui nous aveugle et nous empêche de tirer des leçons de nos expériences. Elle nous isole et nous prive du moment présent.

— Lorsqu'on devient adulte, commence-t-elle en dressant le plateau devant elle, il faut apprendre à pardonner.

De son point de vue, accorder son pardon aux autres ne signifie pas oublier, mais renoncer à la colère et au ressentiment. Libérons-nous du passé pour vivre plus heureux.

— Alors, gâcher votre été à vous ignorer n'en vaut pas la peine.

Cependant, aujourd'hui, Camille ne m'ignore pas. Elle est absente. Pire encore, elle a posé un jour de congé. Le jour de mon anniversaire. Sur l'écran de mon téléphone, les notifications de messages ne sont pas nombreuses. Cette année, mes parents ne se sont même pas donné la peine de m'appeler. Un simple texto agrémenté d'émoticônes leur a suffi. Ils pensent sans doute qu'à mon âge, je n'ai plus besoin d'entendre leur voix.

Mon téléphone vibre dans ma poche. Camille me souhaite un joyeux anniversaire « malgré ma tête de mule ». Elle se trouve dans le sud pour supporter sa sœur pendant sa soutenance de thèse de doctorat. Aveuglée par mon obstination à demeurer triste le jour de mon anniversaire, j'ai complètement oublié que c'était aujourd'hui.

Bon, d'accord, je suppose que je n'avais pas totalement raison sur ce coup-là.


2. Passez de l'exclusion à l'inclusion.

À dix heures, je m'installe sur un banc près de la fontaine pour profiter de ma pause. Des enfants jouent, insouciants, dans l'eau à la qualité douteuse. Un bras surgit dans mon champ de vision, tendant un gobelet du café où je travaille.

— Je crois savoir que tu n'aimes pas le latte caramel, commente la voix de la dernière personne que je souhaitais voir.

Il insiste pour que je prenne la boisson brûlante. J'attends encore seconde, dissimulant mon sourire machiavélique. Puis, quand le moment me semble opportun, j'attrape le gobelet et observe le contenu d'un œil méfiant.

— C'est juste du café... Il n'y avait plus de vinaigrette.

Je me pince les lèvres, comme un enfant pris en flagrant délit. On boit en silence pendant une minute. Mais puisque les choses appréciables ne durent jamais, il décide de la ramener une fois de plus.

Martini-GrenadineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant